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du gouvernement anglais vis-à-vis des autres puissances n’en sont pas moins fondés sur le droit des gens. Les États-Unis peuvent veiller avec un intérêt spécial aux applications du foreign enlistment act anglais, parce qu’ils se trouvent avoir eux-mêmes une loi toute semblable ; mais c’est au nom du droit des gens que la république américaine peut réclamer une neutralité sincère. Historicus a beau répéter, et avec raison, que le foreign intistment act est un acte purement municipal ; il n’a pas le droit de dire, si cet acte est violé, que l’Angleterre seule est offensée. Les États-Unis auraient tort assurément de se plaindre qu’un statut anglais soit mal compris, que des juges anglais enlèvent à une de leurs lois toute efficacité par des interprétations trop complaisantes : s’ils se plaignent, c’est au nom des principes mêmes du droit international ; ce qu’ils demandent, c’est que l’Angleterre ne devienne pas une véritable base d’opérations pour les rebelles, c’est que Liverpool, qu’ils ne peuvent bloquer, ne soit pas un arsenal et un port confédéré, c’est que la neutralité anglaise ne permette pas plus longtemps des entreprises auxquelles aucune autre nation n’a accordé sa protection.

Les blessures que reçoit en ce moment le droit des gens sont faites pour inspirer, il faut l’avouer, de vives inquiétudes. Avec quelle facilité ne peut-on pas éluder l’article du traité de Paris qui a supprimé la course, puisqu’il suffit de remplacer les lettres de marque par des commissions, comme il a été fait pour le Florida et l’Alabama ! Pour rendre la course moins fructueuse, les nations neutres interdisent aux prises des vaisseaux capturés l’entrée de leurs ports ; il en résulte qu’au lieu de vendre les prises, on les détruit en pleine mer. Les cours des prises étaient au moins des tribunaux où les intéressés pouvaient se faire entendre et qui ne prononçaient la confiscation qu’après un débat contradictoire ; mais pendant deux années on a vu le rigide capitaine de l’Alabama se faire lui-même juge, prononcer sans appel, confisquer ou relâcher à son gré, interpréter les questions souvent les plus complexes et les plus ardues : il n’a connu d’autre code international que son caprice, et ses jugemens n’ont été lus qu’aux rouges lueurs que les marins apercevaient parfois sur l’océan. Enfin les devoirs de la neutralité sont devenus incertains et comme flottans. On a pu se croire impartial, parce qu’on a tour à tour subi les reproches et des confédérés et des fédéraux ; mais les confédérés se sont plaints seulement de n’être point reconnus, d’être leurrés de fausses espérances : ils n’ont jamais pu prétendre qu’on ait violé les règles de la neutralité en faveur de leurs adversaires.

Les fédéraux ont vu leur commerce presque détruit par les navires sortis des ports anglais, et lorsqu’une satisfaction tardive leur