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chacal, le renard doré[1], la genette de Barbarie[2], n’ont jamais existé dans le midi de la France. Acceptable il y a quelques années, ce jugement ne l’est plus aujourd’hui. On trouve dans les nombreuses cavernes de nos contrées méridionales des ossemens de ces grands carnassiers. Dire que les espèces étaient identiques à celles de l’Algérie serait impossible, car comment reconstituer complètement un animal avec quelques fragmens osseux ? mais on peut affirmer que l’espèce fossile et l’espèce vivante sont très semblables et très voisines l’une de l’autre dans le même groupe générique. D’ailleurs toutes ces distinctions d’espèces ont beaucoup perdu de leur importance depuis que les naturalistes sont à peu près d’accord pour admettre avec M. Darwin qu’il n’y a point d’espèces, mais seulement des formes animales ou végétales modifiables par le temps et les influences extérieures. Que les ossemens des carnassiers trouvés dans les cavernes du midi de la France diffèrent un peu de ceux des carnassiers vivans de l’Algérie, qui s’en étonnerait ? On ne saurait affirmer que ceux-ci ne sont pas les mêmes animaux modifiés par l’action lente du temps dans un milieu analogue, mais différent de celui des bords septentrionaux de la Méditerranée. Ainsi on trouve des ossemens de lion, d’hyène, de panthère, de cerf et de daim dans les cavernes du midi de la France ; mais on y trouve aussi des ossemens d’ours, de renne et d’aurochs, animaux inconnus en Afrique. Ces ossemens nous expliquent la disparition des singes, des lions, des panthères et des hyènes : ceux-ci ont péri pendant la période de froid, conséquence de l’extension des glaciers, qui a permis aux ours, aux rennes et à l’aurochs, animaux appartenant exclusivement aux pays septentrionaux, de vivre et de se perpétuer dans les plaines de la France méridionale. Nous savons maintenant, grâce aux haches et aux couteaux en pierre trouvés avec ces ossemens, grâce aux dessins très reconnaissables dont les bois de renne et de cerf sont ornés, que l’homme a été contemporain de ces animaux éteints. Eussent-ils résisté au froid, ils auraient fui devant la civilisation. Le lion, la hyène, la panthère, pourraient vivre dans les Cévennes comme dans le Tell et dans l’Atlas : le climat est à peu près le même dans les deux chaînes de montagnes ; mais l’homme civilisé ne tolère pas la présence de ces hôtes incommodes. Ainsi l’on peut dire que les grands carnassiers ont été contemporains de l’homme dans la France méridionale ; ils ont disparu à l’époque glaciaire. Les progrès de la civilisation européenne eussent suffi pour les anéantir, tandis que la barbarie musulmane

  1. Vulpes niloticus.
  2. Genelta afra.