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de déjouer les ruses des Indiens. À l’âge de douze ans, il avait accompagné son père dans les expéditions lointaines. Devenu grand, il se fit chef de bande à son tour, et, poussant toujours devant lui, trouva enfin des gisemens aurifères aux dernières limites de l’empire, dans ce qu’on appelle encore aujourd’hui « l’immense forêt (Matto-Grosso). » Revenu à Saint-Paul pour chercher des in-strumens et organiser une caravane plus considérable que la première, il repartit aussitôt, brûlant d’exploiter au plus vite sa nouvelle découverte. Il lui arriva dans ce second voyage ce qui s’est vu bien des fois dans l’histoire des mines du Brésil : il se perdit dans les forêts et erra plusieurs mois sans retrouver sa route. Cependant tant d’activité ne pouvait être dépensée en vain : il tomba sur les mines de Goyaz, non moins précieuses que celles qu’il cherchait, et qui, déjà découvertes un demi-siècle auparavant, étaient rentrées dans l’oubli, probablement parce qu’il était arrivé aux premiers explorateurs la même aventure qu’à notre bandeirante (chef de bande).

Ce qui distinguait surtout ce dernier de ses compagnons, pour la plupart aussi braves, aussi hardis que lui, c’était une ténacité indomptable et un rare esprit d’initiative. Peu scrupuleux principalement à l’égard des Indiens, tous les moyens lui semblaient bons du moment qu’ils devaient avoir pour résultat quelques paillettes d’or. Il improvisait parfois des ruses inimaginables pour forcer les sauvages à lui indiquer de nouveaux gisemens dès que les anciens venaient à s’appauvrir. Tantôt il leur promettait de faire couler devant leurs huttes des rivières de cachaça (eau-de-vie de canne), et tantôt il les effrayait par les menaces de ses armes à feu. D’autres fois c’étaient les femmes d’une tribu qu’il enlevait et qu’il gardait comme otages tant que les maris n’avaient pas répondu à ses désirs. Un soir, il fait appeler les chefs d’une peuplade dans sa demeure. Ceux-ci arrivent inquiets, prévoyant déjà quelque nouvelle demande exorbitante et impossible à satisfaire. Dès qu’il les voit réunis, Bartolomeo se lève d’un air sévère, et dans quelques paroles sèches et brèves il leur annonce que le Dieu des blancs lui est apparu en songe la nuit précédente, pour lui apprendre qu’il existait encore dans le voisinage des mines plus riches que toutes celles qu’on lui avait indiquées jusqu’alors, que les Indiens ne l’ignoraient pas, et que, s’ils se refusaient à les faire connaître, il lui donnait le pouvoir d’incendier leurs fleuves et leurs forêts. « Et pour vous prouver, continua-t-il en s’animant de plus en plus, que les menaces du vieux diable (c’était le surnom que lui donnaient les Indiens) ne sont pas vaines, et que le feu que m’a donné le Grand-Esprit peut consumer non-seulement vos bois, mais encore toutes vos rivières,