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je vais commencer à l’instant même. » Se tournant en même temps vers deux de ses compagnons, il leur ordonne d’aller remplir sa bassine d’eau et de la lui apporter. Ceux-ci, qui avaient le mot d’ordre, reviennent bientôt avec le vase à moitié plein d’eau-de-vie. Avant que les Indiens puissent se douter de quelque supercherie, Bartolomeo saisit un tison enflammé et l’approche du liquide. À la vue de ces flammes bleuâtres dévorant un élément qui avait le pouvoir d’éteindre le feu, les peaux-rouges se croient perdus, et, se jetant aux pieds de Bartolomeo, le supplient de les épargner promettant de lui faire trouver autant d’or qu’il pourra en désirer. Pour des natures simples et superstitieuses, cet homme était devenu à la longue un personnage d’une puissance surnaturelle devant lequel il fallait s’incliner : de là en grande partie la place que son nom occupe dans les annales des régions aurifères. On peut encore citer comme chefs de bandes dont le souvenir est resté légendaire, Pascoal Moreira Cabral, qui trouva les mines de Matto-Grosso ; Sebastião Fernandez Tourinho, qui le premier pénétra dans la province de Minas-Geraes (mines générales), et en rapporta quelques esmeraldas ; Sebastião Leme do Prado, qui découvrit l’or de Minas-Novas (mines nouvelles). Certaines traditions veulent que parmi ces mamelucos se trouvassent aussi des Français. Il ne serait pas du reste étonnant que quelques-uns des compagnons de Villegagnon, Duclerc, La Ravardière, chercheurs, eux aussi, d’aventures, eussent suivi les bandes des Paulistes pour devenir plus tard chefs à leur tour. La physionomie toute française de certains noms de ces bandeirantes semblerait venir à l’appui de cette légende.

Les immenses richesses qui apparaissaient à chaque nouvelle découverte passeraient aujourd’hui pour de pures fictions, si les mineurs californiens de notre siècle n’avaient été témoins de merveilles analogues. Toutefois, si enthousiastes que soient les récits de ces derniers, ils pâlissent devant les annales des mines brésiliennes. Il n’était pas rare de voir les premiers arrivans ramasser dans un jour des livres entières de pépites. Un mineiro (mineur) de Matto-Grosso en récolta en quelques heures une demi-arrobe (16 livres). À Cuyabá, on en trouva 400 arrobes dans un mois. De tels résultats devaient avoir des conséquences non moins extraordinaires. Un jour c’était un pauvre pâtre des Algarves, matelot déserteur, qui devenait tout à coup millionnaire ; d’autres fois on voyait un simple gaucho, soldat obscur d’une bande, attirer sur lui tous les regards par une heureuse trouvaille ou par quelque acte de bravoure, et ses compagnons le nommaient gouverneur de la province qu’on venait de découvrir en attendant l’arrivée du capitaine-général envoyé de Lisbonne et du receveur du quint. Cependant ces fortunes