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du sol pour trouver les sources d’où le métal s’était répandu à la surface. Les veines de quartz, parsemées de paillettes, semblaient mettre sur la voie. Cette méthode, qui se continue encore de nos jours, a produit dans les premiers temps d’assez bons résultats ; mais l’or, comme on va le voir, ne se trouvant jamais qu’à la surface, devait faire défaut tôt ou tard : aussi les habitans ont-ils fini par y renoncer. Il n’y a guère que quelques compagnies anglaises qui, à l’aide de puissantes machines à broyer le quartz, aient cherché à continuer cette exploitation dans le district de Congo-Soco, le plus riche jadis en filons aurifères ; mais il n’y en aurait qu’une seule, à ce qu’on prétend, qui distribue régulièrement un dividende à ses actionnaires. On sait que pareille mésaventure est arrivée aux compagnies australo-californiennes. Quant aux vieilles méthodes portugaises, on les rencontre encore quelquefois çà et là chez les gens de couleur qui, après la saison des pluies, vont glaner le long des ruisseaux et s’estiment heureux lorsqu’ils réalisent de quoi couvrir leurs dépenses journalières de tabac et de cachaça (eau-de-vie).

Si les mineiros ont enfin consenti à renoncer aux exploitations aurifères, à s’adonner les uns à la culture, les autres à l’élève du bétail, il ne faudrait pas en conclure que les rêves de l’Eldorado sont complètement oubliés ; mais ils n’ont guère plus d’influence que sur les étrangers, comme par exemple sur certains mascales (petits colporteurs) qui, d’un coup voulant faire leur fortune, s’engagent dans la route des mines, se nourrissent, chemin faisant, des légendes que les indigènes leur débitent, quelques-uns de bonne foi, le plus grand nombre pour se moquer de leur crédulité. Ces pauvres gens errent ainsi plusieurs mois à l’aventure, presque toujours au milieu de fatigues et de privations inouïes, heureux encore quand ils reviennent de ces déserts et en sont quittes pour la perte de leur modeste bagage. Tous ceux que j’ai vus étaient dans un état de misère et de maigreur indescriptibles ; leur odyssée, à travers les variantes de détail, reproduisait presque toujours la même histoire. C’était un Français novice qui, sur la foi des traditions et comptant sur son savoir-faire, avait résolu d’aller à la recherche de nouveaux, gisemens. Après avoir tout perdu, jusqu’à sa chaussure, renonçant à l’espoir d’atteindre l’objet de ses rêves, il s’était vu forcé, pour vivre, de devenir, suivant les circonstances et la nature des pays qu’il traversait, jongleur, dentiste, médecin, cuisinier, acrobate, même professeur de français. J’ai rencontré un jour, sur la route de Villa-Rica à Rio-Janeiro, un de ces coureurs d’aventures, venu d’Europe comme photographe et chercheur d’or. Le soleil avait desséché ses produits, les accidens de la route avaient