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brisé ses appareils ; il ne lui restait plus que sa boîte à objectif, transformée en sac de voyage, et dans laquelle il avait renfermé la plus incroyable collection de menus objets qui puissent frapper la curiosité d’un Parisien égaré dans les forêts. On y voyait des pyrites de fer et des élytres d’insectes, d’énormes becs de toucans, des graines de fruits impossibles, des cristaux de quartz et des bouts de flèches indiennes. Ce brave homme, ne sachant comment me témoigner sa reconnaissance pour le soin que j’avais pris de lui reconstituer un costume convenable, étala son musée sur une table, et me pria de choisir moi-même toutes les pièces qui seraient à ma convenance. Comme il insistait, je craignis de le désobliger par un refus, et je fixai mon choix sur un bout de plume taillée en biseau à une de ses extrémités et renfermant de petits grains incolores. Je croyais que c’était une cigarette camphrée.

— Cela, une cigarette camphrée ! reprit vivement mon Californien ; c’est une plume qui contient peut-être plus de cent milreis de brillans. Je les ai mis là dedans parce que je n’avais pas autre chose, et qu’on peut ainsi les passer plus facilement à la douane.

Honteux de ma méprise, je refusai de nouveau, craignant de ma part une nouvelle indiscrétion involontaire ; mais l’homme aux brillans ne l’entendait pas ainsi, et, voyant que je persistais, il tira de son muséum une queue de serpent à sonnettes qu’il me força d’accepter. Quand il eut achevé l’historique de son présent, je l’interrompis pour lui demander quelques détails sur les gisemens qu’il avait parcourus.

— Ah ! ne me parlez pas de terrains aurifères, répondit-il aussitôt. Je ne sais pas comment on a l’aplomb d’appeler ce pays la province des mines. Figurez-vous que les habitans n’y connaissent même pas l’argent monnayé ! ils ne veulent que du papier ou du cuivre. Plusieurs fois je me suis vu dans l’embarras parce que je n’avais sur moi que des pièces d’or ou d’argent. On pourrait bien encore trouver çà et là quelque peu de poudre d’or ; mais il n’y a que les gens les plus misérables pour prendre souci d’une recherche qui ne donne pas de quoi vivre. J’ai eu toutes les peines du monde à me procurer ces échantillons en faisant le portrait de quelques caboclos. — Et il me montrait d’un air joyeux ses pyrites.

Pour en finir avec les gisemens du Brésil, il faut voir quelle quantité d’or ils ont fournie à la circulation depuis qu’ils ont été découverts. Cela n’est pas chose aisée. Tous les voyageurs qui en ce siècle ont visité ce pays ont tâché d’évaluer cette somme, et ils ont différé quelquefois entre eux de plusieurs milliards. Essayons néanmoins de refaire ce calcul sans aucune exagération, en prenant pour base le rendement du quint de la province la mieux connue,