Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/442

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui à ce moment avait encore dans les décisions de l’Europe la prépondérance exclusive en ce qui regardait les affaires de la Grèce, l’avait conseillé avec une insistance qui équivalait presque à une coercition. Cependant M. Boulgaris était le chef de la gauche la plus accentuée dans l’assemblée nationale, et la royauté, au lieu de se placer dès le premier jour à la tête de la réaction conservatrice, se trouvait ainsi obligée de remettre le pouvoir aux mains des « hommes du 22 octobre, » et de faire rétrograder les choses de six mois en arrière. Sous ce rapport, la situation devenait, par une invincible fatalité, le lendemain de l’avènement de George Ier, moins favorable qu’elle n’avait été la veille, car dans le pays livré à lui-même le retour aux affaires de M. Boulgaris et de ses amis n’eût pas été possible. Il n’en fut pas moins nommé premier ministre, et de là vint une scission dans le grand parti conservateur qui s’était formé depuis les journées de juin. Les représentans de la droite, condamnés au rôle d’opposition, entamaient immédiatement la lutte contre le ministère, avec lequel il leur était impossible de s’entendre et de transiger. De son côté, le centre, qui depuis quelque temps votait avec la droite, se séparait d’elle, et, ne voulant pas être accusé d’avoir fait preuve d’une malveillance systématique envers le premier cabinet formé par la royauté, donnait son concours à M. Boulgaris, avec l’espoir assez chimérique qu’il se montrerait comme ministre, du roi différent de ce qu’il avait été comme président du gouvernement provisoire. Ainsi cet homme politique se trouvait assuré pour le début de son administration d’une forte majorité parlementaire. Il pouvait donc se maintenir quelque temps, révéler son aptitude à la direction des affaires et organiser le gouvernement d’une manière conforme à ses idées, si lui et son parti en eussent été capables.

Il importe de distinguer entre les révolutions et l’esprit révolutionnaire ; il y a quelquefois des révolutions légitimes et nécessaires, l’esprit révolutionnaire est toujours chose funeste. En Grèce, le parti jacobin est plus fâcheux et plus misérable qu’ailleurs, car rien n’y justifie son existence. Il n’y a en effet dans ce pays aucune des grandes questions politiques ou sociales qui dans d’autres contrées ont pu donner naissance à des partis analogues. Aussi les seuls mobiles des révolutionnaires athéniens sont-ils pour les uns une ambition et une avidité poussées jusqu’aux dernières limites, pour les autres l’impossibilité de se plier aux conditions d’un état de choses régulier. De là résulte que ce parti, presque exclusivement recruté parmi les avocats sans causes, les médecins sans malades, les bacheliers sans carrière, les sous-lieutenans sans perspective d’avancement, les esprits malades et les rhéteurs faméliques, ne compte