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après ce succès, le roi a formé ce que nos voisins de Belgique appellent un cabinet d’affaires, composé d’hommes de la nuance conservatrice, sans aucun chef de parti. À sa tête est M. Valvis, de Missolonghi, homme capable et d’une grande honnêteté, qui présidait le ministère au moment où eut lieu l’élection royale.

La première des difficultés que la nouvelle monarchie avait rencontrées devant elle était levée ; l’état de paralysie prolongé par le retard de la solution des affaires ioniennes avait atteint son terme. Le 2 juin dernier, le lord haut-commissaire de sa majesté britannique remettait le gouvernement à M. Zaïmis, commissaire du roi des Hellènes ; les troupes anglaises évacuaient les îles, et elles étaient remplacées par les troupes grecques, accueillies de la population avec un enthousiasme frénétique. La nouvelle loi électorale était immédiatement promulguée, et le roi lui-même se rendait en personne à Corfou pour prendre possession de ses nouveaux états. Ce voyage royal avait lieu à un moment solennel. Le souverain parti, l’assemblée restait seule à Athènes, sous la présidence de M. Déligeorgis, l’un des membres les plus exaltés du parti démagogique. On pouvait craindre sérieusement que ce parti n’essayât de profiter de l’absence de George Ier, comme en octobre 1862 il avait profité de l’absence du roi Othon, pour tenter un mouvement qui le rendît maître de la capitale. Telle paraissait être son intention. Pour y préparer les esprits, il avait répandu à profusion des libelles imprimés clandestinement contre M. de Sponneck, et dont quelques-uns dirigeaient leurs attaques par-dessus la tête du conseiller pour atteindre le roi lui-même. C’est donc avec un réel sentiment d’inquiétude qu’une partie des conservateurs voyait le jeune prince s’éloigner d’Athènes, où sa présence avait jusqu’à un certain point contenu les entreprises des révolutionnaires ; mais l’attitude de la garde nationale, revenue spontanément au rôle qu’elle avait rempli pendant l’interrègne, empêchait toute tentative de désordre. En même temps la royauté puisait une force nouvelle dans ce contact avec la population des provinces. Les démagogues d’Athènes étaient fort déconcertés par l’accueil enthousiaste, fait au souverain dans toutes les villes qu’il avait à parcourir avant de se rendre aux Iles-Ioniennes ; dans les importantes cités commerciales de Syra et de Patras, dans les plus petites villes, comme Hydra, Nauplie, Tripolitza, Sparte, et surtout dans les campagnes, son passage était un véritable triomphe. À Hydra, qui est pourtant la patrie de M. Boulgaris, les habitans réunis avaient désigné à une immense majorité, pour haranguer le roi quand il débarquerait, le président du ministère qui avait combattu l’insurrection de Nauplie, M. Condouriottis, privé de ses droits politiques pour dix ans par un décret de