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seul département du Nord ? Un tel nombre de fonctionnaires est au moins double de celui que réclameraient les besoins du service ; on ne peut les payer que misérablement, et dès lors, ayant à peine de quoi vivre par leurs traitemens, ils sont exposés à de continuelles tentations où le plus grand nombre succombe. De plus, avec cette nuée d’employés qui dévorent le budget, la Grèce ne possède réellement pas d’administration digne de ce nom. À chaque changement de ministère, le personnel de tous les services publics est bouleversé depuis les premiers jusqu’aux derniers rangs, afin de nantir de places les amis des hommes qui arrivent au pouvoir : de cette manière aucune tradition ne peut se fonder ; au lieu d’employés sérieux, on n’a jamais que des apprentis qui sortent de fonctions au moment même où ils commencent à acquérir l’expérience nécessaire au mouvement régulier de la machine gouvernementale. L’administration n’est qu’un instrument dans la main des partis. Aussi la dernière chose dont elle s’occupe est-elle d’administrer : elle n’a de règle que l’arbitraire, et tout employé se croit tenu à s’ériger en homme politique, au lieu de s’occuper des obligations de son emploi et des intérêts de l’état. Le premier devoir de la nouvelle royauté hellénique est la création d’une administration stable et étrangère à la politique, qui survive aux crises ministérielles, et le gouvernement n’établira de vraies traditions administratives qu’en formant des hommes capables de la pratique des affaires. Une mesure non moins nécessaire que de séparer l’administration de la politique, ce serait de restreindre le nombre des emplois, d’exiger des garanties de ceux qui prétendent aux fonctions publiques, de limiter les promotions, d’établir une hiérarchie et de la respecter. Moins d’employés et des traitemens plus équitables, voilà deux conditions essentielles pour doter enfin la Grèce d’une véritable administration. L’employé, mieux payé, trouvant dans son salaire les moyens de vivre honorablement, aura plus d’ardeur au travail, s’adonnera tout entier à ses fonctions, et seul fera la besogne que laissent aujourd’hui languir deux ou trois individus mal rétribués.

Est-il besoin de signaler maintenant d’autres questions que le gouvernement déchu avait presque tout à fait négligées pour se cantonner exclusivement dans les mesquines intrigues d’une politique de personnalités, et qui réclament la plus sérieuse attention de la part du gouvernement nouveau ? Donner à l’agriculture des routes qui lui permettront d’écouler ses produits et qui contribueront en même temps plus que toute autre mesure à la destruction définitive du brigandage[1], instituer une administration forestière

  1. Le gouvernement de la dynastie bavaroise, en trente ans, a créé 42 kilomètres de routes !