Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/486

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de condensation. À l’un de ces degrés, elle est susceptible d’entretenir la vie ; à un degré supérieur, elle donne naissance à l’humanité. L’humanité, à son tour, va toujours en se développant comme la nébuleuse primitive. À un premier degré, elle est inconsciente et forme un tout quasi indivis ; à un degré supérieur, elle se partage en consciences distinctes, en individus, à peu près comme la nébuleuse primitive s’est brisée en noyaux divergens. Ainsi la condensation progressive d’une matière subtile infinie, tel est le principe général de cette cosmogonie ; mais si cette condensation n’avait pas de contre-poids, le progrès de l’univers consisterait dans la réduction du tout en un point unique. C’est ce qui n’a pas lieu. La condensation amène en quelque sorte à sa suite la raréfaction, et par conséquent des brisures dans le sens primitif, chacune des parties restant néanmoins soumise à la loi de la condensation et de la concentration. Or le plus haut degré de la concentration connu, c’est la conscience. On peut faire trois questions à cette cosmogonie, qui rappelle beaucoup la physique stoïcienne. — Qu’est-ce que l’âme ? Qu’est-ce que Dieu ? Quel est le principe du mouvement, de l’ordre et de l’harmonie dans l’univers ?

On ne nous dit pas, à la vérité, ce que c’est que l’âme ; mais on nous dit ce que c’est que la conscience, le signe révélateur de l’âme. La conscience est une résultante ; on peut en conclure que l’âme elle-même est une résultante. Si l’on prenait l’expression de résultante à la rigueur, cette définition de la conscience n’aurait pas de sens, car, en mécanique, la résultante est une ligne idéale, que l’esprit conçoit comme une moyenne entre deux directions données ; mais cette ligne idéale n’existe pas. À ce titre, on ne conçoit pas que la conscience soit une résultante, car elle est certainement un fait et par conséquent une réalité. Ce que l’on veut dire, c’est que la conscience n’est que le résultat de la combinaison et de la rencontre des forces cérébrales. L’âme n’est donc qu’un résultat, une fonction de la matière, infiniment supérieure cependant à la matière, comme l’harmonie de la lyre, suivant l’admirable comparaison de Platon, est supérieure à la lyre elle-même, quoiqu’elle ne soit rien sans elle. Quelles seront maintenant les destinées de cette âme ? En tant qu’elle est liée à la matière, elle s’évanouit et se dissipe avec la matière même : elle perd donc la conscience, qui n’est que la résultante des actions du cerveau ; mais l’âme n’est pas tout entière dans la conscience, elle est quelque autre chose de plus. Quel est ce quelque chose ? C’est ce qu’on ne nous dit point. Ce quelque chose subsiste et survit néanmoins. Bien plus il survit en Dieu. Qu’est-ce donc que Dieu ?

Le mot Dieu peut avoir deux sens, un sens relatif et un sens absolu.