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devant une guerre avec l’Allemagne, où elle aurait été en étroite alliance avec l’Angleterre, une des plus grandes puissances de l’Europe. Je ne blâme point l’empereur des Français, il est le meilleur juge de ses intérêts ; mais je dis que le contraste que l’on cherche à établir entre les deux pays est simplement ridicule et fondé sur une fausse appréciation de leurs positions respectives. »

Lorsqu’on embrasse l’ensemble de cette question danoise, lorsqu’on étudie le rôle que nous y avons joué, lorsqu’on mesure les conséquences de l’abandon auquel le Danemark est condamné, il est impossible d’être fier et heureux pour la France de la façon dont les choses se sont passées. L’Angleterre a recueilli dans cette question une déception plus amère et plus éclatante que celle que nous y avons trouvée, parce qu’oubliant l’aphorisme de M. de Talleyrand, elle s’y était jetée avec trop de zèle. La confusion du premier moment a été plus forte pour l’Angleterre précisément parce qu’elle s’était plus avancée que nous ; mais nous craignons que nous ne puissions conserver l’avantage, si l’on poursuit le parallèle dans l’avenir. La question danoise est une affaire du continent, et peut naturellement soulever sur le continent d’autres questions. Aucune question continentale ne peut être indifférente pour la France. Si l’intérêt et l’esprit qui viennent de prévaloir contre le Danemark suscitent en Europe d’autres affaires, à voir l’émotion et l’inquiétude qu’excite l’abandon du Danemark dans les états mai assis ou petits de l’Europe, en Italie, en Belgique, en Suisse même, nous pouvons pressentir que ces nouvelles questions ne se présenteront point sous un aspect favorable aux intérêts associés à nous, et par conséquent à nos intérêts propres. Nous ne parlons point de cette alliance du Nord dont nous avons à plusieurs reprises signalé depuis quelque temps la menaçante reconstruction. L’Angleterre au contraire peut assister avec bien plus d’indifférence que nous à la naissance et au développement des futures questions continentales. L’expérience qu’elle vient de faire lui a donné des leçons dont elle ne perdra pas de sitôt la mémoire et le fruit. Elle sera lente à l’avenir à prendre parti dans une complication du continent, à moins qu’elle n’y soit appelée par un intérêt personnel, direct et pressant. M. Cobden, devant le trouble et les embarras du présent, semblait triompher l’autre jour en proclamant sa doctrine de non-intervention absolue. On eût dit, aux complimens qui lui venaient du ministère, qu’il était l’arbitre de la lutte engagée entre le gouvernement et l’opposition. On sentait, rien qu’à lire son discours, que ses opinions sur le péril de l’immixtion dans les affaires des autres peuples doivent aujourd’hui pénétrer avec force dans les têtes anglaises. Un orateur d’une nature bien différente, un représentant des idées du torysme dans ce qu’elles ont de plus honnête et de plus national, le général Peel, après avoir exprimé, avec une sincérité et une émotion qui touchaient à l’éloquence, le chagrin que lui inspire l’échec diplomatique de l’Angleterre, arrivait pour l’avenir à une