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conclusion presque semblable à celle de M. Cobden. Nous regrettons cette tendance, car pendant longtemps elle détournera l’Angleterre de la pensée de nouer sur le continent des alliances actives et par conséquent retardera le rétablissement d’une alliance occidentale cordiale et efficace.

Nous le répétons, nous n’avons aucun goût, dans les circonstances actuelles, sous le coup de la chute du Danemark, à travers les rumeurs qui s’entre-croisent, à faire aucune conjecture pour la France. Que nos bons offices soient demandés par le roi de Danemark, que les journaux prussiens nous adressent des flatteries, et que ces flatteries nous présagent quelque avance de M. de Bismark, ce sont de bien petites questions. Nous croyons que, nous aussi, nous ferions bien de nous abstenir pendant quelque temps de préoccupations extérieures. La France n’aurait qu’à gagner à se replier sur elle-même, et puisque pendant deux années de suite sa politique a échoué au dehors, elle devrait poursuivre chez elle des succès bien autrement féconds que les triomphes diplomatiques qui se sont récemment dérobés à ses combinaisons. Notre politique devrait se résumer en deux mots : la liberté et la paix, la liberté, qui nous rendra le sentiment de nos droits, qui nous associera sincèrement, réellement aux affaires publiques, qui achèvera notre éducation politique, qui renouvellera la propagande généreuse que nous avons exercée pendant quarante ans en Europe ; la paix, par laquelle nous ferons fructifier avec sécurité tous les élémens de notre prospérité intérieure et nous accroîtrons tous les ressorts de notre puissance. Il y a longtemps, quant à nous, que nous sommes convaincus que le plus sûr moyen d’assurer au dehors l’efficacité de l’influence française est d’entreprendre et de pousser à l’intérieur la rénovation libérale. Ce sont les accidens mêmes de notre politique extérieure qui nous pressent de recourir à ce moyen.

On dirait qu’il y a en politique de mauvaises saisons, de fâcheuses influences climatériques auxquelles les meilleurs tempéramens sont contraints de payer tribut. Ceux qu’affligent les épreuves que les gouvernemens libéraux traversent en ce moment suivent avec une inquiétude particulière les péripéties bizarres de la crise constitutionnelle dont la Belgique est travaillée. Aucun pays ne semble mieux fait que la Belgique pour se prêter aux oscillations naturelles des institutions représentatives. Le peuple belge connaît et aime la liberté, non en théorie, mais en pratique ; la liberté est en quelque sorte passée dans son sang. — Ce pays n’est point déchiré par des partis révolutionnaires ; il est divisé en deux grands partis, dont aucun n’est à l’étroit dans les limites de la constitution. Cette division de l’opinion en deux grands partis qui se balancent et ont chacun en perspective l’avènement au pouvoir est une des conditions les plus propres à bien faire fonctionner le mécanisme d’un gouvernement libre. Les partis belges, le parti catholique comme le parti libéral, ont à leur tête des hommes éclairés, des hommes de talent, des hommes expérimentés, qui ont tour