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Pour en revenir à l’Australie, les voyages de découvertes entrepris afin de faciliter la colonisation du continent ont été féconds en conséquences utiles. C’est en 1793 que furent introduits aux environs de Sydney les premiers moutons de pure race mérinos. Encouragés par les succès de l’industrie pastorale, les colons s’étendirent rapidement sur toutes les plaines déjà connues, et les explorateurs durent se mettre à l’œuvre. Leurs travaux ont été incessans, et cependant le colon a toujours suivi de près l’explorateur. À mesure qu’un nouveau district était annoncé, le squatter y poussait ses troupeaux, et s’y trouvait déjà établi avant même que cette découverte fût divulguée en Europe. Des territoires inconnus au commencement de ce siècle sont aujourd’hui des colonies indépendantes, qui construisent elles-mêmes leurs routes et leurs chemins de fer et discutent leurs lois dans des parlemens locaux, à l’instar de la mère-patrie. Les villes prospèrent là où les explorateurs faillirent, vingt ans plus tôt, périr de faim, de soif et de misère.

À ne prendre dans l’histoire de ces pérégrinations terrestres que le côté restreint, mais encore intéressant, qui a rapport à la science géographique, il y a une époque remarquable à noter : c’est l’année 1861. Jusqu’alors, les voyageurs, arrêtes par des empêchemens invincibles, avaient été contraints de se replier sur eux-mêmes et de revenir sur leurs pas. La région centrale semblait inabordable, et l’on pouvait encore y supposer de grands lacs salés ou des déserts d’une stérilité absolue. Tous les efforts pour pousser en avant venaient échouer contre des buissons impénétrables ou des districts pierreux d’une aridité désolante. Enfin Burke et Wills, puis Stuart à quelques mois d’intervalle, passèrent par des routes faciles d’une nier à l’autre, et firent connaître à leurs compatriotes que les terres propres à l’élève des bestiaux s’étendent au nord des établissemens actuels, sans interruption, jusqu’aux rives de la mer des tropiques. Leurs relations de voyages méritent un examen particulier. Cependant il est bon de rappeler d’abord les travaux de ceux qui les ont précédés, parce que la variété d’impression que divers voyageurs ont rapportée des régions centrales révèle le caractère singulier de la nature australienne. Cette contrée, d’une formation géologique plus récente sans doute que notre ancien monde, a présenté d’une année à l’autre des contrastes bizarres. Les mêmes provinces étaient signalées alternativement comme des marais fangeux ou comme des déserts d’une sécheresse absolue. Les lacs s’emplissaient et se desséchaient comme par enchantement. Les rivières contenaient tour à tour de l’eau douce et de l’eau salée. Quoique de vastes étendues n’aient pas encore été parcourues, les renseignemens recueillis sont asse ? nombreux aujourd’hui pour qu’il nous soit possible de nous figurer avec vraisemblance l’aspect physique de l’Australie intérieure.