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réfugiés à Bruxelles durant la restauration, la réimpression fréquente des philosophes du XVIIIe siècle, la diffusion des lumières, les avantages de la liberté, toutes ces causes et d’autres encore ont fait pénétrer les idées de 1789 dans la bourgeoisie qui travaille et qui lit. Toutes les villes sont acquises à l’opinion libérale ; mais la grande majorité du peuple et de la noblesse y est restée étrangère ou hostile. Dans les campagnes, où comme toujours les traditions du passé se maintiennent le plus longtemps, la masse des habitans est, il est vrai, satisfaite du régime actuel ; mais, trop peu soucieuse des libertés qu’elle consacre, ignorante et ne lisant pas, elle obéit à la voix respectée du curé. Quant aux classes aristocratiques, elles sont instinctivement effarouchées par des institutions trop libres ; elles regrettent leurs privilèges d’autrefois, ou du moins elles croient voir dans la prépondérance du parti libéral une transition à des tendances plus avancées, un invincible entraînement vers un avenir qu’elles redoutent.

Maintenant que l’histoire nous a expliqué l’existence du parti catholique, il faudrait voir quelles sont ses doctrines, son but, ses aspirations ; mais il n’est point facile de le faire parce que les organes officiels de cette opinion, ses représentans au parlement, n’expriment point les principes du clergé qui assure leur élection. Ils savent très bien qu’en les formulant à la tribune ils perdraient la cause qu’ils ont mission de défendre. Ce qu’on leur demande, ce n’est pas qu’ils exposent les idées, mais qu’ils favorisent les intérêts et la domination de l’église. Ils sont donc amenés, sans qu’on leur en veuille du reste, à déguiser, à désavouer parfois cet ensemble de vœux, de prétentions, de théories qui remplissent chaque jour les feuilles de l’épiscopat, mais dont ils craignent eux-mêmes l’exagération et blâment l’inopportunité. M. Guizot, s’occupant ici même des affaires intérieures de la Belgique, faisait remarquer qu’il n’avait trouvé dans les discours des orateurs du parti catholique « nul esprit de violence et de réaction hostile aux tendances comme aux principes de la société moderne[1]. » Cette remarque est fondée. Pendant une discussion récente à la chambre des représentans, tous les membres de ce parti ont proclamé leur attachement à la constitution ; non contens des libertés qu’elles consacrent, ils ont même découvert deux libertés nouvelles qu’ils accusent leurs adversaires de refuser au pays : la liberté de constituer des personnes civiles, des fondations pour exercer la charité, et la liberté de supprimer ou de réduire la concurrence que les écoles communales et les universités de l’état font aux institutions du clergé. Ils ont été plus loin encore : dans un programme ministériel soumis naguère à l’approbation

  1. Voyez la Revue du 1er août 1857.