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d’autant plus facilement à des erreurs condamnées par le Vatican, que, pour revenir aux idées ultramontaines, il lui suffisait de rentrer dans la voie suivie de tout temps par l’épiscopat de son pays ; mais ce changement de front devait rendre inévitable une lutte entre les partisans de l’ancien régime, dociles à la voix de l’église, et les défenseurs des idées nouvelles, décidés à en poursuivre l’application. Cependant l’union entre catholiques et libéraux sembla persister aussi longtemps que la paix définitive avec la Hollande ne fut pas conclue. L’opposition de principes qui les divisait ne commença d’éclater que vers 1840. Jusqu’alors, le nom des deux partis n’était guère prononcé dans les débats parlementaires, et des hommes appartenant aux deux nuances avaient été fréquemment associés dans un même cabinet. Un recueil qui parut vers ce temps, la Revue nationale, vint préciser le sens de la lutte qui s’engageait. Le représentant qui la dirigeait, écrivain distingué, homme d’un caractère antique et d’un esprit élevé, M. Paul Devaux, exposa les raisons d’être du parti libéral, les dangers qu’il devait conjurer et les principes qu’il avait à défendre. La théorie faite, ce parti se trouva constitué, et depuis vingt-cinq ans il n’a cessé de combattre, avec des chances diverses, sur le même terrain, pour les mêmes idées, presque avec les mêmes argumens.

Cet exposé historique démontre jusqu’à l’évidence qu’en Belgique le clergé est une puissance politique habituée, depuis le XVIe siècle, à dominer l’état, assez habile pour s’emparer des souverains qui lui cèdent, assez forte pour renverser ceux qui lui résistent, et toujours religieusement soumise aux volontés de Rome. Ayant dans tout le pays les plus profondes racines, une telle puissance devait faire surgir un parti, et ce parti, quelque nom que prennent ceux qui le représentent, ou quelque langage qu’ils tiennent, doit s’appeler le parti catholique, puisqu’il n’existe que par l’église et pour défendre ses intérêts. Il se compose encore, comme au temps de la révolution brabançonne, des élémens énumérés un peu irrévérencieusement par le gouverneur des Pays-Bas autrichiens, écrivant à l’empereur Léopold : « l’aristocratie, les prêtres, les moines, la populace, et le gros de la nation, qui n’est ni démocrate ni aristocrate, mais qui s’enflamme aux insinuations fanatiques des prêtres. »

Le parti catholique se proclame le vrai parti national et il n’a pas tort, en ce sens qu’il exerce depuis des siècles une influence prépondérante sur la masse de la nation et qu’il est intimement lié à ses traditions historiques. Le parti libéral, pour lui résister, doit demander ses titres aux lointains souvenirs des communes du moyen-âge ou aux principes de la réforme et de la révolution française, c’est-à-dire au droit abstrait et à la raison. Depuis cinquante ans, le mouvement naturel des esprits qui pensent, l’action des conventionnels