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pour lui et pour le maréchal de La Ferté : si Vauban lui avait fait faute, qu’aurait pu faire le maréchal, si ce n’est de lever le siège ? Tous les autres ingénieurs avaient été tués dès les premiers jours. Hâtons-nous de rendre justice au maréchal de La Ferté ; la place réduite, il n’oublia pas celui auquel il devait en grande partie le succès, Outre le régiment qui portait son nom, il en avait, comme gouverneur de Lorraine, un autre qui s’appelait le régiment de Nancy. Vauban, déjà capitaine dans La Ferté, devint capitaine dans Nancy, et il nous apprend lui-même que le maréchal lui fit présent de cette seconde compagnie pour lui tenir lieu de pension. Cette sorte de cumul était alors fort en usage, et, dix ou douze ans plus tard, lorsque l’œil sévère de Louvois y découvrit le premier un désordre, ce ne fut pas sans causer autour de lui quelque surprise.

Appelé de Lorraine en Flandre, Vauban vint servir sous Turenne au siège de Mardyck. Au lieu de quarante-six jours, celui-ci n’en dura pas quatre. Le soin de réparer les fortifications de Mardyck y retint Vauban pendant l’hiver. Si la place avait résisté davantage, le rétablissement de ses défenses, plus endommagées, aurait exigé plus de temps, et Vauban, à portée du théâtre où se sont jouées en 1658 les dernières et grandes scènes de la guerre entre la France et l’Espagne, le siège de Dunkerque et la bataille des Dunes, y aurait pris naturellement un rôle. Pour comble de regret, ces événemens à peine accomplis, le maréchal de La Ferté, que Vauban avait rejoint en Lorraine, reçut l’ordre de marcher en Flandre pour aider Turenne à recueillir les fruits de sa victoire. Ce fut dans cette dernière partie de la campagne, dans cet épilogue, pour ainsi dire, que Vauban conduisit en chef les attaques de Gravelines, d’Oudenarde et d’Ypres, A défaut de détails sur ces trois sièges, il suffit que Vauban ne les ait pas compris dans ses observations critiques ; son silence nous permet de croire qu’il y eut plus d’autorité relative et de liberté d’action ; S’il fut plus satisfait pour sa part, on ne fut pas moins satisfait de lui. La campagne finie, d’après son propre témoignage, « M. le cardinal le gracieusa fort, et, quoique naturellement peu libéral, lui donna une honnête gratification et le flatta de l’espoir d’une lieutenance aux gardes[1]. »

Dans la campagne de 1658[2], ce n’est pas seulement la lutte entre la France et l’Espagne qui s’est dénouée, c’est la vieille guerre qui a pris fin. Lorsqu’à neuf années de là, en 1667, la France et

  1. Abrégé des services.
  2. Il lui arriva, dans les derniers mois de cette année, une petite mésaventure : tandis qu’il visitait, par ordre de Turenne, les travaux d’Oudenarde, un parti espagnol le fit prisonnier ; mais sa captivité ne fut pas longue. Relâché d’abord sur parole, Vauban ne tarda pas à être régulièrement échangé.