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Assuré d’un lieu de ravitaillement dans le district que, deux ans plus tôt, il avait découvert à l’ouest du lac Torrens, Stuart se mit en route au mois de mars 1860, c’est-à-dire à l’automne, avec l’intention de s’avancer vers le centre. Il n’était accompagné que de deux amis. Le pays était bien un peu sec et couvert de broussailles qui embarrassaient la marche ; néanmoins la petite troupe franchit aisément ces obstacles. Un mois après son départ, elle se trouvait dans de grandes plaines entrecoupées de petites chaînes de montagnes et de vallées. Le sol était couvert de verdure ; l’avoine sauvage croissait admirablement sur le bord des rivières à l’ombre des gommiers. L’eau était abondante dans les étangs qui occupaient le fond des ravins, et la végétation qui entourait ces réservoirs naturels donnait lieu de croire qu’ils n’étaient jamais desséchés. L’herbe poussait même dans les champs pierreux que les voyageurs traversaient de temps à autre. C’était en résumé un excellent pays pour l’industrie pastorale. Sept semaines après avoir quitté les dernières stations de squatters, Stuart arrivait au point central du continent. À quelques kilomètres de là était une montagne, le mont Stuart[1], dont les voyageurs firent l’ascension. Parvenus au sommet, ils érigèrent une pyramide en pierres, et, arborant au haut d’une perche le pavillon britannique, saluèrent de trois hurras les couleurs nationales. L’expédition poursuivit ensuite sa route vers le nord sur un terrain recouvert d’arbrisseaux et de buissons épineux où les hommes et les chevaux eurent beaucoup à souffrir. Lorsqu’ils eurent dépassé le 19e degré de latitude, ils furent arrêtés par le nombre et l’attitude hostile des indigènes qui les entouraient, et furent contraints de revenir en arrière, ayant parcouru 2,600 kilomètres depuis leur départ d’Adélaïde et n’en ayant plus que 400 à franchir pour atteindre les bords du golfe de Carpentarie. Il est juste de rappeler que Gregory, qui, quelques années plus tôt, était descendu du nord au sud en partant de l’embouchure de la Rivière-Victoria, avait pénétré jusqu’au 20e degré de latitude, en sorte que la mission de 1860 eut le double mérite de passer au centre du continent et de parcourir dans toute son étendue la région intermédiaire qui n’avait pas encore été visitée. Le but principal, qui était de passer d’une mer à l’autre, n’était pas encore atteint ; mais il s’en fallait de bien peu.

L’événement prouvait que la traversée complète ne pouvait se faire sans dangers que si l’on réunissait une troupe assez nombreuse

  1. Une surface de forme irrégulière, comme est l’Australie, n’a point, à proprement parler, de centre géométrique. Il s’agit ici du centre de gravité, point qui n’a en réalité aucune importance géographique, si ce n’est d’être le plus éloigné du rivage de l’océan. Le mont Stuart est à peu près situé par 22 degrés de latitude et 131 degrés de longitude à l’orient de Paris.