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pour résister aux sauvages. C’est pourquoi l’année suivante Stuart, se remit en route avec onze hommes et quarante-neuf chevaux, en suivant le chemin qu’il avait déjà parcouru. Fait bizarre : il n’avait pas plu depuis douze mois, car les traces du voyage précédent étaient encore visibles en quelques endroits. Dans la vallée où il avait fallu rebrousser chemin, il ne se trouvait cette fois aucun indigène. Au-delà venaient encore des forêts d’arbustes impénétrables, des plaines tantôt vertes et tantôt desséchées et des ravins avec des mares d’eau stagnante entourées de gommiers. Enfin l’expédition vit plus loin une immense plaine desséchée dont la monotonie n’était rompue que par des collines de sable rougeâtre où s’élevaient d’épais fourrés. Il était impossible de s’engager au milieu des buissons épineux de ce pays inhospitalier. De quelque côté que l’on essayât de se frayer un chemin, c’étaient toujours des bois, des sables, des pâturages ; mais pas une goutte d’eau malgré les pluies abondantes qui tombaient de temps en temps. Après de nombreuses tentatives en diverses directions, Stuart dut renoncer à pénétrer plus avant. Les provisions qu’il avait emportées allaient être consommées ; les chevaux étaient épuisés par la privation d’eau ; les hommes, fatigués et rebutés par ces échecs successifs, auraient eu à peine la force de regagner Adélaïde. L’expédition revint donc sur ses pas, alors qu’elle n’était plus qu’à 150 kilomètres du bassin de la Rivière Victoria ; mais, quoiqu’elle n’eût pas tout à fait atteint son but, qui était de traverser entièrement le continent, elle avait obtenu des résultats importans. Il était démontré que le pays au-delà du centre contenait de vastes plaines basses dont le terrain argileux convenait à l’élève du bétail, et que de larges étangs d’eau permanente, espacés à de faibles distances, suffiraient à abreuver de nombreux troupeaux pendant l’année tout entière. Seulement ces plaines argileuses se transforment souvent en marécages pendant la saison des pluies et se dessèchent rapidement ensuite, sans doute par l’effet d’une évaporation trop active.

Stuart repartit encore l’année d’après, en 1862, et parvint sans encombre au point où il avait été forcé de s’arrêter. Cette fois il put éviter le désert sablonneux et les forêts épineuses en appuyant plus à l’est. La contrée était praticable, les indigènes que l’on rencontrait étaient d’humeur pacifique ; cependant il était nécessaire de les tenir à distance, parce qu’ils allumaient l’herbe sèche et les broussailles, ce qui mettait en danger les voyageurs et leurs bêtes de somme. À mesure que l’expédition approchait de la mer, le pays semblait plus riche : le sol, formé d’alluvions noirâtres, était couvert d’herbes exubérantes où les hommes disparaissaient tout entiers ; la nature des tropiques se manifestait par des bouquets de