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naturels et par des engagemens volontaires, on ramènerait les prix de la journée à des conditions qui permettraient de lutter avec les pays où la contrainte en cause l’avilissement.

Les destinées du coton algérien ont encore, comme on le voit, des parties confuses ; il lui reste à traverser quelques alternatives, quelques épreuves, dans lesquelles les illusions sont autant à craindre que les découragemens. La première de ces épreuves est le passage de l’état d’embryon à une vie plus pleine et plus générale, la seconde est le réveil de la concurrence américaine quand, sur les ruines causées par la guerre civile, les arts de la paix reprendront là-bas leur œuvre de réparation. Mon opinion est qu’avec de l’esprit de décision et plus de concert entre les planteurs et l’état ces difficultés seront franchies ; le coton restera sur ce sol, qui est bien approprié. En couvrant deux cent mille hectares, on créerait une valeur de cent cinquante millions de francs. La perspective a de quoi encourager, mais elle est subordonnée à une condition urgente, l’emmagasinement et la discipline des eaux : hors de là, rien de grand n’est possible, et le peu qu’on a fait devient précaire. Les eaux, sous ce ciel de feu, sont la plus active des richesses. On ne saurait, sans l’avoir vu, se faire une idée de leur pouvoir vivifiant ; sur toute plante, elles opèrent des merveilles. Le coton ne serait pas seul à en profiter, et d’autres cultures, d’un aussi bon rapport, l’accompagneraient ou le suppléeraient. Le bienfait n’en serait pas moindre, dût-il changer de destination. Parmi les monumens que les Maures ont laissés en Espagne, il en est qui ont disparu ou disparaîtront, un seul ne périra pas ; après de longs siècles, il est resté ce qu’il était au jour de leur départ : c’est la campagne qui entoure Valence, la huerta, le jardin, comme on la nomme. À plusieurs lieues à la ronde, ce ne sont que vergers florissans et champs vigoureux, fleurs et verdure. Le secret de ce charme et de cette fertilité est dans un bon régime des eaux. Les Maures y excellaient, les Espagnols sont leurs élèves. Dans plus d’un bassin de notre Algérie, nous pourrions nous ménager ces surprises de végétation et emprunter aux traditions des Maures quelque traits du service le plus ingénieux. Tout serait bénéfice à graver cette empreinte sur une terre qui a trop longtemps gardé la physionomie d’un camp.


LOUIS REYBAUD, DE L’INSTITUT.