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un cheval chargés de vivres pour trois mois. Le reste de la mission devait attendre son retour pendant trois mois, dans un poste entouré de palissades que l’on avait construit, et se mettre, s’il était possible, en communication avec les établissemens européens de la vallée du Darling.

Qu’advint-il à Burke et à ses trois compagnons d’infortune dans les solitudes où ils venaient d’entrer ? On ne le sait que par le journal de voyage qui a été retrouvé et par la narration incomplète du seul survivant. Le désert de Sturt, qu’ils traversèrent d’abord, ne paraît pas leur avoir laissé l’impression navrante que le premier explorateur en avait rapportée. Quoiqu’il n’y eût sur le sol aucune trace d’humidité, l’herbe poussait çà et là entre les cailloux. Au-delà se présentaient des pâturages, des étangs dans des ravins, des rivières même. De temps en temps on apercevait des indigènes ou des traces de leur récent passage. Puis l’eau devient abondante, la végétation plus active, le paysage prend un aspect moins monotone ; tout annonce la proximité de la mer. En effet, le 11 février 1861, Burke et Wills, qui avaient encore laissé leurs deux compagnons un peu en arrière pour veiller sur les chameaux épuisés de fatigue, arrivent sur les bords d’une rivière où la marée se faisait sentir. Ils ne peuvent apercevoir l’océan, car des marécages couverts de buissons inextricables les empêchent d’avancer ; mais ils observent nettement le flux et le reflux des eaux. Le but de leur voyage était atteint ; il n’y avait plus qu’à songer au retour. Les notes que les explorateurs ont laissées deviennent plus succinctes et permettent à peine de soupçonner ce qui leur arriva. Le cheval et les chameaux périrent ; les provisions étaient épuisées. Gray, le plus robuste de ces infortunés voyageurs, succomba aux fatigues et aux privations de toute nature. Enfin, quand après cinq mois d’absence, le 21 avril, ils rentrèrent au dépôt de la Rivière-Cooper, où ils croyaient trouver des secours, le dépôt était abandonné. Épuisés, sans forces, sans provisions, ils étaient seuls dans le désert, à 500 kilomètres de tout établissement européen. Tout leur manquait, même les moyens de transport, car de leurs bêtes de somme il ne restait plus que deux chameaux. En cherchant de tous côtés pour s’assurer que le camp n’était pas simplement changé d’emplacement, ils virent gravé sur un arbre le mot dig, et, en fouillant au pied, trouvèrent des provisions et une note que l’on avait laissée à leur adresse pour expliquer les motifs du départ. Cette note était datée du 21 avril au matin ; il y avait quelques heures seulement que leurs compagnons s’étaient remis en route.

Burke, au moment de partir de la vallée du Cooper pour se diriger vers le nord, avait recommandé à Brahe, qui commandait le dépôt