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espaces de pays nouveaux et ont contribué pour beaucoup aux progrès géographiques, la dernière surtout qui mérite de plus longs développemens en raison du long trajet qu’elle a parcouru et des renseignemens importans qu’elle a recueillis.

M. Mac-Kinlay avait tenu compte, en organisant la mission qu’il allait diriger, de l’expérience que ses prédécesseurs avaient trop chèrement acquise. Il emmenait avec lui six hommes, ce qui était une force suffisante pour résister aux attaques des indigènes. Quatre chameaux et vingt-quatre chevaux portaient les bagages ; il y avait même des chariots, mais on devait les abandonner aussitôt qu’on rencontrerait trop d’obstacles à leur marche. On devait encore s’adjoindre des indigènes qui serviraient de guides ou d’interprètes dans les régions centrales. Quant aux approvisionnemens de vivres, ils étaient assez abondans pour un long voyage. On avait eu soin d’y joindre des substances antiscorbutiques, graine de moutarde, acide citrique, fruits secs, enfin tout ce qui pouvait préserver les voyageurs contre cette affreuse maladie. On se faisait suivre, dans la même intention, d’un troupeau de douze bœufs et d’une centaine de moutons. Enfin les instructions minutieuses données au chef de la mission prescrivaient les mesures à prendre pour qu’on laissât des points de repère destinés à faciliter des explorations nouvelles. Des lettres gravées sur l’écorce des arbres, des pyramides de pierre élevées auprès de chaque campement, des papiers enfouis dans des bouteilles, devaient en quelque sorte jalonner la route pour ceux qui suivraient plus tard le même chemin.

Mac-Kinlay partit d’Adélaïde le 16 août 1861, en se dirigeant vers le nord. Il mit six semaines à atteindre la limite des territoires occupés par les squatters, qui s’étendaient déjà dans cette direction jusqu’à 650 kilomètres d’Adélaïde. On peut dire toutefois qu’avant d’arriver aux confins de la colonie il était déjà dans le désert. C’était la contrée découverte par Eyre dix-sept ans auparavant ; c’était le bassin de ce mystérieux lac Torrens, couvert d’eau après les grandes pluies, desséché dans la saison chaude. De rares stations de troupeaux disséminées sur de grands espaces arides étaient là pour prouver qu’il n’y a pas de district si stérile que l’industrie pastorale ne puisse s’y établir avec succès. Au-delà de Blanchewater, le dernier point habité par des Européens, la mission poursuivit sa route dans une contrée qui n’était pas pire que la précédente. L’eau était rare, il est vrai. On faisait parfois deux ou trois étapes sans en rencontrer, mais on arrivait ensuite dans le voisinage de plusieurs lacs autour desquels s’étendaient de magnifiques herbages. Les indigènes paraissaient très nombreux ; peut-être était-ce toujours la même tribu qui suivait pas à pas l’expédition. Après la région des lacs, Mac-Kinlay