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les districts connus étaient occupés, on en découvrait d’autres plus éloignés. La terre ne manquait à personne, et les nouveau-venus en trouvaient encore de disponible. Il était donc inutile de mettre des obstacles à l’expansion du squattage. Tels furent les motifs qui déterminèrent le gouvernement colonial à laisser aux propriétaires de troupeaux, sans aucune réserve, la libre pâture des terrains vacans, qui étaient considérés comme appartenant de droit à la couronne. Néanmoins, afin d’affirmer le droit de propriété de l’état et de procurer des ressources au budget local, il fut résolu en 1831 que l’usufruit des pâturages ne serait plus concédé qu’à titre onéreux. Au reste la terre avait déjà acquis une valeur réelle, et il eût été d’une mauvaise administration de la donner à titre gratuit. La durée des concessions fut limitée à une année, sauf renouvellement, et la redevance annuelle fut fixée à 250 francs par station. C’était un tarif très modéré, surtout pour ceux qui occupaient de grandes surfaces. Il y eut encore quelques restrictions : l’étendue des stations devait être calculée à raison de 4 hectares par tête de mouton, le même individu ne pouvait posséder plusieurs stations à la fois ; mais ces mesures plus vexatoires qu’utiles, ne furent jamais appliquées, ou tombèrent bientôt en désuétude. Enfin il fut établi en principe que les terres dont les émigrans voudraient avoir l’entière propriété seraient vendues aux enchères sur la mise à prix de 5 shillings l’acre, environ 15 francs l’hectare. Toutes ces dispositions, qui avaient reçu la sanction du parlement anglais, donnèrent pour la première fois une existence légale aux squatters.

Sous l’influence de ce nouveau régime, l’industrie pastorale prit un développement prodigieux, et la colonie parut marcher dans une voie de prospérité croissante. C’est alors (de 1830 à 1840) que furent découvertes les plaines fertiles de l’Australie méridionale, sur les bords du golfe Spencer et du port Phillip. Les villes d’Adélaïde et de Melbourne furent fondées, et des terres d’une étendue considérable furent vendues d’abord au prix de 5 shillings, puis au prix de 1 livre sterling l’acre, c’est-à-dire 62 francs 50 c. l’hectare. Il résultait de ces créations nouvelles de plus grandes facilités pour l’occupation pastorale des districts intermédiaires sur les bords du Darling, de la Murray et de leurs affluens. L’esprit de spéculation intervenant, le trafic des terres et des stations fut porté à un degré excessif, qui devait amener des embarras financiers. La crise fut déterminée par une sécheresse exceptionnelle qui fit périr une grande partie des troupeaux pendant les étés de 1837 à 1839 ; l’élément principal du commerce d’exportation, la laine, décrut en qualité et en quantité ; puis, lorsqu’on se remettait de ce désastre, survint une baisse dans le prix de la laine. En même temps les