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exerçaient une heureuse influence sur la santé des moutons. Smith entreprit alors de créer deux nouvelles stations, l’une pour M. Mac-Leay et l’autre pour lui-même sur les bords du Murrumbidgee, où les explorateurs venaient de signaler l’existence de terrains salés. Il n’y avait encore aucun établissement européen près de cette rivière, qui est à 900 kilomètres de Sydney : aussi les indigènes étaient-ils assez incommodes ; dans les premiers temps surtout, ils ne cessaient d’attaquer les bergers isolés et d’enlever les bestiaux. Néanmoins, en les traitant avec douceur, on parvint à les rendre plus dociles, et certains d’entre eux furent même employés aux menus travaux de l’exploitation. Quelques années après, l’heureux pionnier avait si bien réussi sur le Murrumbidgee qu’il s’avança plus encore et créa une autre stationna 150 kilomètres de là, sur le Lachlan.

Lorsque, en 1844, après douze années de travail, Smith voulut rendre ses comptes à M. Mac-Leay, afin de se consacrer tout entier aux stations qu’il dirigeait pour son propre compte, les 2,000 bêtes à laine qu’il avait reçues en 1832 avaient produit un magnifique troupeau d’environ 30,000 têtes, sans compter les 10 ou 12,000 qui avaient été vendues dans l’intervalle. Par malheur, les années de 1842 à 1844 furent une époque désastreuse de dépréciation pendant laquelle les moutons perdirent presque toute leur valeur. Il y eut en 1845 une hausse sensible, grâce à l’industrie de l’extraction du suif, qui s’établit à cette époque dans la colonie. Survint ensuite une épidémie qui fit périr un grand nombre d’animaux. Les colons furent cruellement affectés par ces désastres successifs, et beaucoup d’entre eux, ayant eu recours aux banquiers, furent complètement ruinés par le taux élevé de l’intérêt, qui n’est pas inférieur à 10 pour 100 dans la colonie ; mais les colons, et celui dont nous racontons l’histoire était de ce nombre, qui s’étaient créé une réserve par leurs bénéfices antérieurs traversèrent sans danger la période critique. L’immense quantité d’émigrans qu’amena la découverte de l’or fit presque décupler le prix du bétail. Malgré l’augmentation de taxe qu’imposa le gouvernement local et la désertion des bergers, qui voulaient tous abandonner les stations pour se rendre aux mines, les squatters se trouvèrent bientôt dans une position magnifique. Partout où les travailleurs européens faisaient défaut, ils engageaient comme bergers des Chinois ou des indigènes. Le prix des bœufs, des moutons et des chevaux était d’ailleurs tellement élevé que les frais de l’industrie pastorale, quoique devenus plus considérables, laissaient encore d’immenses bénéfices. Sans doute aussi on avait mieux étudié les maladies et les affections épidémiques auxquelles les troupeaux étaient sujets, et l’on savait mieux s’en garantir. Dans les districts où les eaux sont rares et où les rivières sont sujettes à