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qu’il avait portés si longtemps et l’existence comfortable qu’il avait menée pendant plusieurs années pour vivre dans les bois, à la manière de ses compatriotes, une peau de bête sur le dos et un javelot à la main.

Les indigènes ont des défauts plus graves que ces instincts sauvages. Ils restent de rands enfans, faibles d’esprit, agissant presque toujours sans conscience et sans réflexion. Ils sont de plus essentiellement perfides et rusés, assez semblables sous ce rapport aux populations de la Chine et du Japon. Soit que le sentiment de la propriété ne puisse prendre racine dans leur intelligence, ou qu’ils soient dominés par la passion pour le pillage, ils dérobent sans scrupule tout ce qui est à leur portée. Enfin ils ne manifestent pas de reconnaissance pour les bons traitemens, et commettent parfois des meurtres d’une atrocité révoltante sur les bergers et les employés d’une station où ils ont reçu un excellent accueil. Il y a bien des exemples de noirs qui, sans provocation, ont froidement massacré des familles de colons dans le seul dessein de voler quelques paquets de sucre ou de farine ; mais c’est surtout aux confins des territoires habités que les tribus indigènes sont nuisibles, et là, on doit en convenir, la répression est toujours sanglante et souvent cruelle. Lorsqu’un squatter veut créer une station sur des terrains vagues, il y trouve d’habitude une tribu indigène qui n’a eu encore aucune relation avec les blancs ou qui ne les connaît que pour avoir été déjà chassée par eux du district qu’elle occupait précédemment. Les noirs se trouvent dépossédés de terrains dont ils avaient joui seuls jusqu’alors. On peut dire, il est vrai, que l’industrie pastorale ne met pas en œuvre toutes les ressources du pays, et que les indigènes ne sont pas obligés d’émigrer. Ils pourraient encore pêcher dans les rivières, tuer dans les broussailles les kangurous dont ils se nourrissent. Une race d’intelligence plus développée et d’un naturel inoffensif, comme celles par exemple qui occupent certains archipels de la Polynésie, vivrait à côté des colons, et s’élèverait peu à peu au niveau de la race envahissante. Il n’en est pas ainsi. Déjà rendus défians par les émigrations qu’ils ont été forcés de subir, les Australiens noirs sont dès le premier jour en état d’hostilité avec les nouveau-venus. Ils harcèlent et dispersent les troupeaux, criblent de javelots les bœufs et les moutons qu’ils rencontrent au pâturage, et s’ils ont besoin pour leur nourriture de tuer quelques bestiaux que le berger leur abandonnerait volontiers, ils en blessent dix fois davantage, par malice ou par enfantillage. Les troupeaux apprennent bientôt à redouter les noirs, et se sauvent dans toutes les directions aussitôt qu’ils les aperçoivent. N’est-il pas naturel que les bergers tirent quelques coups de fusil pour