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chasse des indigènes, comme autrefois les Espagnols dans l’Amérique du Sud. L’influence morale et bienveillante de l’état trouve au contraire de fréquentes occasions de s’exercer au milieu des districts entièrement colonisés qui contiennent, encore quelques indigènes. Il s’agirait seulement aujourd’hui de sauver les malheureux restes de tribus qui ont été englobés par la civilisation. Ceux-ci n’ont pris que la plus mauvaise part des exemples que leur présentaient les Européens. Impropres au rude travail des champs, inhabiles à plus forte raison aux occupations industrielles, ne pouvant plus se procurer sans rien faire la nourriture précaire dont ils se contentaient aux jours de leur indépendance, ils meurent de faim, et, pour peu qu’ils travaillent, emploient à s’enivrer le peu qu’ils ont gagné. L’ivresse, qui les dégrade corps et âme, leur est plus nuisible que la lutte. La religion serait seule assez puissante pour ramener ces malheureux êtres dans une meilleure voie. Dans la province de Victoria, où les noirs ont cessé depuis longtemps d’être dangereux pour les colons, de sérieux efforts ont été tentés dans ce sens. Le gouvernement institua un bureau spécialement chargé de veiller à leurs besoins, créa des écoles pour leur instruction, organisa certains d’entre eux par troupes pour la protection des districts éloignés et des districts aurifères. Les dépenses de ce bureau figurent encore pour environ 130,000 francs au budget annuel de la province. Les missionnaires wesleyens et anglicans entreprirent aussi d’arracher les tribus à leur vie errante en les fixant dans des cantons fertiles où la nourriture de tous les jours leur était assurée, et où l’on pouvait exercer sur eux une influence continue et permanente. Ces nouvelles habitudes étaient trop contraires à leurs instincts naturels. En dépit des soins bienveillans de leurs protecteurs, ils s’échappaient bientôt, préférant à la monotone existence qui leur assurait le travail et le pain quotidien les joies de la vie errante et les privations du désert.

Plus récemment, les missionnaires moraves ont créé de nouveaux établissemens du même genre. Ils avaient déjà obtenu quelque succès dans le district pastoral de Wimmera, qui contient le tiers des indigènes survivans sur le sol de la Victoria, quand, après la malheureuse expédition de découvertes de Burke et Wills, les colons de Melbourne, reconnaissans des soins que les indigènes de la Rivière-Cooper avaient accordés à ces infortunés voyageurs, engagèrent le gouvernement à les en récompenser par une œuvre utile. Il fut résolu en conséquence qu’une mission serait créée sur les bords du Cooper, afin de convertir au christianisme, s’il était possible, les 4 ou 500 habitans de cette vallée. C’était sans doute une façon plus heureuse de reconnaître leurs services que de leur donner des haches