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de cerf, — Οίνοϐαρὲς, ϰυνὸς ὄμματ’ἔχων, ϰραδίην δ’ἐλάφοιο (Oinobares, kunos ommat’echôn, kradiên d’elaphoio), — et autre chose encore qui ne se trouve pas dans Homère. En un instant, le désordre fut à son comble ; on se rua sur le pauvre diable, qui dut prendre la fuite et eut du moins le bonheur d’éviter un coup de pistolet tiré sur lui presque à bout portant. La séance, comme on pense, fut levée, et nous rentrâmes à bord du vaisseau. La diplomatie jusque-là n’avait pas fait ses frais, mais nous venions d’assister à une scène de l’Iliade. Nous étions enchantés. Je ne sais trop pourquoi nous sommes toujours portés à prendre parti pour les rebelles. Bien des gens diront que c’est à cause de notre humeur turbulente : j’aime mieux croire que c’est une suite de notre caractère chevaleresque. Nous épousons volontiers la querelle du plus faible : un Français ne peut pas voir battre devant lui un enfant. Toujours est-il que, dans tous les événemens dont j’ai été témoin ou auxquels je me suis trouvé mêlé, j’ai constamment vu nos sympathies s’adresser à la révolte. À Samos, pas plus qu’à Poros, à Hydra et à Nauplie, nous n’eûmes garde de manquer à cette noble habitude. Il se forma sur la Ville-de-Marseille un véritable parti en faveur des Samiens, et ce fut avec un profond regret que nous nous aperçûmes que Logotetti perdait chaque jour du terrain. La diplomatie finit par l’emporter : elle avait pour elle les propriétaires de vignes.

C’était une charmante station que la station du Levant en 1833. Les escadres passaient généralement tout l’hiver à Ourlac ou à Smyrne. On n’entendait plus parler que de bals et de fêtes. Il n’est pas de pays au monde où l’on s’amuse à moins de frais. Les toilettes sont simples, mais les femmes sont belles. C’est un luxe que rien ne remplace. Ce mois de décembre, qui était pour nous le signal des plaisirs, était dur cependant lorsqu’il fallait l’affronter dans l’Archipel. Un matin, deux frégates américaines, la Constellation et les États-Unis, deux bâtimens français ; le vaisseau le Superbe et la frégate la Galatée, appareillèrent de la rade de Smyrne. Le vent soufflait du nord. Ces quatre navires débouchèrent rapidement du golfe. Arrivé sous les Mamelles, hautes montagnes qui s’élèvent presque en face de l’embouchure de l’Hermus, il fallut déjà prendre des ris. À la hauteur du cap Kara-Bournou, la brise était devenue une tempête. Il eût peut-être été sage d’aller chercher alors sur la côte voisine le mouillage de Folieri et d’y attendre le jour. Un certain point d’honneur retint également les Français elles Américains. Devant l’étranger, personne ne voulut être le premier à se montrer prudent. On passa outre. À minuit, on avait doublé Chio et Ipsara, Les avaries commencèrent. Des ancres furent arrachées par les vagues, des canons se démarrèrent ; le Superbe perdit son grand mât de hune. Quand le vent souffle en tourmente, le vaisseau de ligne