Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/968

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réciproque d’une foi diverse et sincère ; mais appeler paix cette absence de lutte qui naît de l’indifférence, c’est confondre la paix avec la défaite et la vie avec le néant. Paix dans le monde par la liberté ! paix dans les âmes par la foi, même diverse, et par le respect !

Passer de l’éducation religieuse à l’A B C, c’est descendre, et pourtant il faut bien rechercher aussi ce que vaut l’éducation des couvens au point de vue littéraire et grammatical. Il est bien connu que plusieurs grandes et riches communautés tiennent de beaux pensionnats, bien pourvus d’excellentes maîtresses de toute sorte, où l’on enseigne les arts d’agrément comme dans le monde, et qui ont tout ce qu’il faut pour faire des élèves distinguées et surtout brillantes. Nous ne parlons ici que des petites écoles et des filles du peuple, et par conséquent de ces couvens sans propriété au soleil, sans riches dots, qui se recrutent dans les petites villes et dans les campagnes, où il entre plus de paysannes que de demoiselles, et où l’on vit en paysannes, en ouvrières, en servantes courageuses et infatigables des malades et des pauvres. Quand ce sont des ordres illustres et répandus dans le monde entier, comme l’ordre de Saint-Vincent de Paul, il y entre quelquefois des personnes élevées dans le luxe, et qui ont reçu une éducation brillante ; mais le sacrifice est alors bien plus grand, et ce sont là des exemples très rares, de véritables exceptions. Quant à ces petites associations qui franchissent à peine les limites d’un département, on peut bien, sans manquer au respect qui leur est dû et sans méconnaître les services importans qu’elles peuvent rendre, avouer que la très grande majorité des filles dont elles se composent, très recommandables par leurs vertus et par leur énergie, ont tout juste autant de connaissances qu’il en faut pour suivre les prières de la messe dans leurs paroissiens et tenir tant bien que mal les comptes de la maison. Cependant ces braves sœurs ont à peine prononcé leurs vœux, qui pour beaucoup de communautés sont des vœux annuels, qu’elles sont à la disposition de leurs supérieures pour être gardes-malades ou maîtresses d’école, et la supérieure elle-même a souvent ses raisons pour n’être pas très difficile dans le choix de ces dernières. À Paris même, on ne trouve pas toujours, pour faire la classe dans les ouvroirs, des sœurs bien profondément versées dans les mystères de l’orthographe ; on peut juger par là de ce qu’il en est à deux cents lieues d’ici dans le fond d’un village. Eh ! sans doute, il ne s’agit, guère pour ces pauvres filles de campagne que d’apprendre à lire et à écrire couramment, avec les deux premières règles d’arithmétique, et les quatre pour une éducation très soignée ; mais