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ces nations que ses armes avaient tant de fois défiées, et qu’elles finirent par soumettre. Pythagore ne révéla peut-être à personne, même à ses disciples favoris, tout ce qu’il avait appris pendant sa longue captivité à Babylone. Le mystère était une partie de sa force et de son prestige. Il instruisit la Grèce sans l’humilier, il l’enrichit sans lui dire où il avait pris tous ses trésors ; mais, après plus de deux mille ans, la critique moderne est en mesure de percer quelques-uns des secrets dont s’entourait l’enseignement pythagoricien, et d’accomplir un acte de justice tardive en montrant ce que durent à l’Asie la civilisation grecque et plus tard la civilisation romaine.

Mnésarche, le père de Pythagore, était né à Lemnos, mais il s’était établi dans l’île de Samos, alors soumise à l’autorité de Polycrate l’ancien. Il se livrait au commerce du blé et visitait fréquemment les îles grecques et les villes du littoral de la Méditerranée. C’est dans un de ces voyages que naquit Pythagore, à Tyr, en 569 avant notre ère. Pendant son enfance, il fit plusieurs voyages avec son père et visita notamment les villes alors si florissantes de l’Italie méridionale. Le riche marchand de blé avait de hautes visées pour son fils, qui manifestait de brillantes dispositions pour les sciences et pour la philosophie. Dès l’âge de dix-huit ans, Pythagore résolut de voyager pour s’instruire ; mais les tyrans ne permettaient pas toujours aux jeunes gens de s’expatrier, ni même de faire des voyages. Pythagore fut obligé de s’enfuir la nuit, et il se rendit d’abord à Lesbos. Il y fut bien reçu chez un de ses oncles, et commença par suivre les leçons de Phérécide, penseur sans grande originalité, mais familier avec quelques-uns des enseignemens de la science égyptienne. L’Égypte était alors le sphinx qui attirait la Grèce ; comme de nos jours la Chine a été ouverte aux peuples européens, elle commençait à subir le contact des étrangers. Psamméticus n’avait réussi à établir sa puissance qu’avec l’aide de mercenaires ioniens et cariens : devenu roi par le secours des Hellènes, Psamméticus en appela beaucoup auprès de lui, leur donna des terres et leur accorda des places de sûreté. Pythagore voulut profiter de ces circonstances pour visiter la vallée du Nil ; mais auparavant, et après être resté deux années avec Phérécide, il alla suivre à Milet les leçons d’Anaximandre et de Thalès. Ces nouveaux maîtres lui confièrent leurs conceptions encore informes et grossières sur la figure de la terre, sur les principaux phénomènes astronomiques. Thalès avait apporté d’Égypte la notion de ce que l’on nomme l’année solaire ; il avait appris à mesurer la hauteur des pyramides par la longueur de leurs ombres à midi ; ses connaissances géométriques étaient assez avancées déjà ; il savait par exemple que tout angle inscrit dans un demi-cercle est un angle