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droit, et connaissait quelques autres propositions aussi élégantes. Pour Anaximandre, il avait construit la première sphère céleste, il y avait tracé non-rseulement la figure des constellations principales, mais il l’avait couverte du premier réseau des grands cercles qui servent à fixer la position des étoiles dans le ciel ; il connaissait le gnomon ; il savait s’en servir pour mesurer la hauteur du soleil au méridien et l’employer comme une montre horaire ; il avait élevé la géographie à la hauteur d’une science et gravé les premières cartes sur des plaques métalliques.

Auprès de ces maîtres éminens, Pythagore se familiarisa bientôt avec l’astronomie et la géométrie grecques, et c’est sans doute à leur école qu’il apprit à mêler les spéculations métaphysiques aux considérations scientifiques. On a quelque peine aujourd’hui à faire revivre devant l’esprit cette science rudimentaire qui confondait dans une synthèse grandiose les formes de la matière et les formes de l’absolu, les propriétés des corps et les abstractions de la pensée. Thalès, frappé par l’ardeur et par le génie de son élève, l’encouragea dans ses projets de voyage en Égypte, et lui conseilla de se préparer au haut enseignement sacerdotal par un court stage à l’école des prêtres de Sidon. Pythagore s’y arrêta pendant un an, et n’arriva en Égypte qu’en 547. Il y venait dans le moment le plus favorable ; la science égyptienne était à son apogée, la civilisation de la vallée du Nil dans toute sa floraison. Vingt mille cités, villages ou hameaux couvraient les bords du fleuve majestueux. Le commerce était florissant : Néchao, le fils de Psamméticus, avait essayé d’unir la Mer-Rouge à la Méditerranée ; ses flottes trafiquaient avec toutes les villes du littoral méditerranéen ; par ses ordres, des Phéniciens avaient fait le tour de l’Afrique, et, partis de la Mer-Arabique, étaient revenus par le détroit des colonnes d’Hercule. Pythagore n’arrivait point en Égypte en voyageur obscur : il était recommandé par Polycrate de Samos au roi, qui était alors Amasis. Ce grand prince, ami des Grecs, esprit humain et libéral, fit au jeune voyageur un accueil des plus favorables ; mais la caste sacerdotale voyait de mauvais œil les progrès de l’influence étrangère en Égypte, et Pythagore fut d’abord traité avec méfiance. Il fut présenté, par les ordres du roi, aux membres du collège d’Héliopolis ; ceux-ci, soulevant des questions d’hiérarchie et de compétence, le renvoyèrent au collège plus ancien de Memphis. Là mêmes difficultés : on déclare encore qu’il est impossible de recevoir l’étranger sans une autorisation émanant des plus hautes autorités sacerdotales. Enfin Pythagore arrive au plus ancien collège, à Thèbes. Là commencent les épreuves ; il subit tout avec une admirable patience, les ablutions, les jeûnes, le corps rasé, la circoncision même,