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opération si répugnante pour les Grecs ; il est initié alors et admis à pénétrer dans le sanctuaire de la science égyptienne, entourée de tant de mystères, de superstitions et même de terreurs.

Pythagore put donc à loisir étudier cette civilisation tout indigène, sans précédens, sans traditions étrangères connues, dont la floraison avait déjà commencé deux mille ans au moins avant notre ère, ainsi que le témoignent les monumens, les inscriptions et les papyrus. Dans la culture égyptienne, les sciences géométriques et les sciences mathématiques proprement dites avaient atteint des degrés très inégaux. Il suffit de penser à Thèbes, aux pyramides, aux obélisques, à tant de ruines colossales et majestueuses, pour se convaincre que la science des formes avait trouvé dans la vallée du Nil un terrain favorable : ces monumens, ces figures empreintes d’une étrange grandeur, étaient comme les jeux monstrueux de la géométrie dans l’enfance. Elle s’attachait à des formes pour ainsi dire cristallines, à la pyramide, à l’obélisque, au cube ; les inondations périodiques du Nil avaient sans doute provoqué les premiers progrès de la géométrie par la nécessité de mesurer soigneusement les niveaux, les hauteurs, les distances, les surfaces. Les savans égyptiens étaient d’habiles dessinateurs ; l’astronomie avait également présidé aux premiers progrès de leur géométrie. Ils avaient trouvé des méthodes de construction fort ingénieuses pour représenter le mouvement des planètes, et cette astronomie toute figurative avait été poussée assez loin, si, comme le prétend M. Biot, dès l’année 1780 avant Jésus-Christ, ils purent réformer le calendrier et ajouter cinq jours à l’année, qui n’était auparavant que de 360 jours.

Il n’est pas douteux que Pythagore fit de nombreux emprunts à la géométrie égyptienne. Il resta en Afrique assez longtemps pour être initié à tous les secrets des sciences sacerdotales. La géométrie grecque a servi de base à la géométrie des modernes : le plus ancien traité que l’on en connaisse est celui d’Euclide. Le célèbre auteur des Elémens fut appelé vers l’an 300 avant Jésus-Christ à la cour d’Alexandrie, et put y étudier à loisir la science égyptienne ; mais avant son traité, qui a eu le privilège de demeurer classique jusqu’à nos jours, la Grèce en avait déjà connu d’autres, et c’est sous une forme semblable à celle d’Euclide que plusieurs pythagoriciens avaient fixé la science de leur temps, notamment Hippocrate de Chios. Or ce qui caractérise les traités qui ont conservé ce nom en quelque sorte générique d’élémens, c’est que les propriétés géométriques y sont énoncées sous forme de propositions graduées et successives. La méthode est mnémonique en même temps que rationnelle ; mais une des particularités de l’enseignement égyptien