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tote, disait-il, nous a laissé les règles immuables du raisonnement, il a enseigné l’art de découvrir, d’argumenter, de tirer des prémisses des conséquences exactes. Celui qui suit avec une fructueuse curiosité la sage direction de ses méthodes ne se montre-t-il pas plus justement son disciple que ceux qui, s’arrêtant lorsqu’il faut marcher toujours, abusent de son glorieux nom pour imposer des erreurs et des illusions ? »

Parmi les théories acceptées alors, et dont le jeune professeur sapait hardiment les fondemens, celle de la chute des corps est la plus importante et la plus célèbre. On a raconté bien souvent comment, en laissant tomber du haut de la tour de Pise des corps inégalement pesans, il démontra à tous ceux qui voulurent bien regarder que la vitesse acquise n’est pas proportionnelle au poids et qu’un corps deux fois plus lourd ne tombe pas deux fois plus vite ; mais c’est là une vérité trop facile à constater pour qu’on puisse y attacher grande importance, et si les savans, sur la foi d’Aristote, s’accordaient obstinément à la nier, beaucoup d’ignorans avaient pu l’apercevoir. Galilée alla beaucoup plus loin et trouva dès cette époque les lois mathématiques de la chute des corps et les propriétés du mouvement uniformément accéléré. Il composa sur ce sujet un dialogue resté inédit jusqu’à ces dernières années et dans lequel on retrouve une ébauche très précise et très ferme des théories qu’il devait exposer cinquante ans plus tard dans le dernier et le plus parfait de ses ouvrages.

C’est à l’époque de son séjour à Pise qu’il faut également rapporter les premiers travaux de Galilée sur le pendule. Un jour qu’il assistait, peu attentif, il faut le croire, à une cérémonie religieuse dans la cathédrale, ses regards furent frappés par une lampe de bronze, chef-d’œuvre de Benvenuto Cellini, qui, suspendue à une longue corde, oscillait lentement devant l’autel. Peut-être, les yeux fixés sur ce métronome improvisé, mêla-t-il sa voix à celle des officians : la lampe s’arrêta peu à peu, et, attentif à ses derniers mouvemens, il reconnut qu’elle battait toujours la même mesure. La durée de l’oscillation est indépendante de l’amplitude. Galilée s’étonna de cette constante uniformité dont il entrevit aussitôt les belles et utiles conséquences. La première application à laquelle il songea fut inspirée par ses études de médecine. On tâtait depuis longtemps le pouls aux malades, et pour désigner le résultat de cet examen la langue médicale, Molière nous l’apprend, était même d’une grande richesse ; mais on ne mesurait pas, faute d’instrumens convenables, la durée exacte d’une pulsation. Galilée songea à la comparer à celle des oscillations d’un pendule. Une disposition facile à imaginer permettait d’allonger ou de raccourcir le fil de suspension pour obtenir