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nérale le parlement qui les avait soutenus à ses dépens dans la révolte du papier timbré, et qui était pour eux, avec les états, la forme la plus expressive de leur nationalité.

D’autres désordres, presque toujours causés par les nouveaux impôts, eurent encore lieu sur divers points. A Lyon, en 1669, une femme de la Croix-Rousse avait été pendue pour s’être mise à la tête de cinq ou six cents personnes. Plus tard, à Angoulême, des mécontens avaient intimidé et fait reculer l’intendant. Irrité de sa faiblesse, Colbert lui écrivit ( 15 novembre 1674) qu’un dépositaire de l’autorité devait savoir risquer sa vie « dans les occasions. » Il lui enjoignît en même temps de retourner à Angoulême, d’y étouffer toute velléité d’indépendance, et de publier bien haut que le roi avait toujours près de Paris une armée de vingt mille hommes pour rappeler les peuple à l’obéissance. Avec de pareilles instructions ; l’intendant, on s’en doute bien, eut bientôt raison des séditieux d’Angoulême. Au Mans, où quelques actes de désordre avaient coïncidé avec ceux de Rennes et de Nantes, six cents cavaliers et seize compagnies d’infanterie envoyés à la hâte de Parte écrasèrent la ville. Aussi l’évêque disait-il quelle était près de sa ruine sans avoir mérité de telles rigueurs. On se rappelle enfin la description saisissante faite par Mme de Sévigné (31 juillet 1675) de la misère de ce pauvre passementier du faubourg Saint-Marceau qui, faute d’avoir pu payer un impôt de 10 écus sur les maîtrises, avait, disait-elle, vu vendre son lit, son écuelle, et de désespoir coupé la gorge à trois de ses enfans. Une lettre de La Reynie dément, il est vrai, la nouvelle ; mais le bruit qui en avait couru prouve que les taxes extraordinaires demandées aux corporations pour la continuation de la guerre de Hollande pesèrent sur la capitale comme dans les provinces.

Les révoltés de Guienne et de Bretagne avaient eu dans le royaume un tel retentissement et laissé une impression si forte, que bien des années se passèrent sans que le gouvernement eût à infliger des punitions nouvelles. Si quelques mécontentemens se produisirent, ils furent de peu d’importance ou promptement étouffés. La situation des provinces était pourtant allée en empirant, et les expédiens auxquels les contrôleurs-généraux Ponchartrain et Chamillart avaient dû recourir pour payer les dépendes de guerre, — la capitation, les nouveaux offices, l’augmentation du sel, les charges extraordinaires de toute sorte, — grevaient bien autrement les populations que les impôts, source première des grandes révoltes de 1675 ; mais la terreur l’emportait. Une fois encore cependant, en 1707, la certitude des plus rigoureux châtimens demeura sans effet. Cédant à une suggestion malheureuse, le gouvernement