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montagne, et maintenant elle ressemble à une espèce de sillon que les eaux de pluie auraient creusé sur le talus du cône. Dès le 31 janvier, toute l’activité volcanique de la crevasse s’était concentrée sur le plateau doucement incliné[1] qui s’étend au nord-est du Morite-Frumento et au milieu duquel se sont élevés les nouveaux monticules : c’est sur le prolongement inférieur de la ligne de fracture que se sont distribués d’une manière parfaitement régulière tous les phénomènes de l’éruption proprement dite. Six principaux cônes d’éjection, se dressant au-dessus de la crevasse, ont peu à peu grandi de tous les débris qu’ils rejetaient de leurs cratères, puis, confondant graduellement leurs talus intermédiaires et s’emboîtant en quelque sorte les uns dans les autres, ils ont successivement englobé, d’autres petits cônes qui s’étaient formés à côté d’eux et se sont exhaussés à près de 100 mètres d’élévation. Depuis le commencement de l’éruption, les deux cratères supérieurs, juxtaposés sur un cône isolé, ont vomi seulement des blocs de pierre et des cendres, tandis que les jets de lave encore liquide ont été lancés par les cratères inférieurs disposés en demi-cercle autour d’une espèce d’entonnoir. Par suite du poids spécifique des matières évacuées, une véritable division du travail s’est opérée sur les divers points de la crevasse : les projectiles déjà solidifiés, les débris triturés, les fragmens plus ou moins poreux qui flottaient au-dessus de la lave se sont échappés par les orifices plus élevés ; la masse liquide, plus compacte et plus lourde, ne peut jaillir du sol que par les bouches ouvertes à une moindre hauteur.

Actuellement le cône d’éruption le plus rapproché du Frumento ne lance plus ni scories ni cendres ; la cheminée du cratère est comblée de débris, et l’activité intérieure ne se révèle plus que par les vapeurs sulfureuses ou chargées d’acide chlorhydrique qui s’élèvent en fumée du talus du monticule. Le deuxième cône, situé sur une partie plus basse de la crevasse, est encore en communication directe avec le foyer des laves ; mais il ne tonne pas constamment, et se repose après chaque effort comme pour reprendre haleine. Un fracas semblable à celui de la foudre annonce l’explosion ; des nuages de vapeur aux énormes replis tout gris de cendres et rayés de pierres, décrivant leur parabole, s’élancent hors de la bouche du volcan, noircissent un instant l’atmosphère, laissent tomber leurs projectiles dans un rayon de plusieurs centaines de mètres autour du monticule, puis, déchargés de leur fardeau de débris, s’inclinent sous la pression du vent qui passe et vont au loin se confondre avec les nuées de l’horizon. Quant aux cônes inférieurs qui se

  1. L’altitude moyenne de ce plateau est de 1,930 mètres.