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dressent immédiatement au-dessus de la source de lave, ils ne cessent de mugir et de lancer des matières fondues en dehors de leurs gouffres. Le spectacle qu’offrent ces cratères est certainement l’un des plus beaux qu’il soit possible de voir, et rien ne peut donner une idée plus grande de la puissance créatrice de la planète. Les vapeurs qui s’échappent du puits bouillonnant des laves se pressent et se tordent à l’orifice des cratères ; les unes sont rouges ou jaunâtres à cause du reflet des matières incandescentes, les autres sont diversement nuancées par les traînées de débris projetés, mais on ne peut les suivre du regard, tant elles s’enfuient rapidement. Un tumulte incompréhensible de voix stridentes s’échappe en même temps du sol : ce sont comme des bruits de scies, de sifflets et d’innombrables marteaux retombant sur l’enclume ; on dirait le mugissement des vagues se brisant sur les rochers en un jour de tempête, si les explosions soudaines n’ajoutaient de temps en temps leur tonnerre à tout ce fracas des élémens. On se sent effrayé, comme devant un être vivant, à la vue de ce groupe de collines qui bruissent et qui fument, et dont les cônes grandissent incessamment des débris projetés de l’intérieur de la terre.

Une vaste clairière s’est formée dans la forêt autour des bouches du volcan ; partout le sol est recouvert de cendres que le vent a disposées en monticules allongés comme les dunes du bord de la mer ; tous les arbres ont été brisés par les bombes volcaniques, enfouis par les scories et les petites pierres. Les premiers troncs que l’on rencontre, à des distances inégales des bouches d’éruption, sont ébranchés par la chute des blocs, ou bien enterrés dans la cendre jusqu’à la couronne terminale : on se promène au milieu de branches jaunies qui furent naguère les cimes des grands pins. Ainsi tout a changé d’aspect et de forme sur le plateau du Frumento et sur les pentes inférieures : on peut dire que par toutes ces matières éjectées le relief de cette partie de l’Etna lui-même a été sensiblement modifié[1].


II

Et pourtant cette dernière éruption, une des plus importantes de notre époque, n’est qu’un épisode insignifiant dans l’histoire de la montagne : c’est une simple pulsation de l’Etna. Durant les vingt

  1. Un savant chimiste, M. Fouqué, a longuement étudié les cratères et les fumerolled de la crevasse du Frumento, et quelques-uns des résultats de ses recherches ont été déjà insérés dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences. M. Mariano Grossi, d’Aci-Reale, et d’autres membres de l’académie Gioenia de Catane préparent aussi des monographies de l’éruption.