Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/185

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’état, des généraux comme lord Raglan. Après la guerre de Crimée, les anciens élèves eurent l’idée d’élever une colonne commémorative en l’honneur de leurs condisciples morts sur le champ de bataille : on peut voir cette colonne devant la façade de l’école ; les noms sont inscrits sur le socle, et dans le nombre les noms les plus illustres.

Le fait n’en demeure pas moins abusif ; il n’est pas juste que le bénéfice de ces dotations, grossies par d’énormes plus-values, aille à de semblables adresses. Tout récemment le mal s’est aggravé, et les comités des écoles ont dû en agir bien librement pour que le gouvernement, volontiers impassible, ait cru devoir s’en mêler. Sur des actes dénoncés, il ordonna une enquête et envoya des délégués dans quelques-uns de ces établissemens. La tentative ne fut pas heureuse ; les portes leur en furent fermées. Ces résistances seraient pour nous un sujet d’étonnement, et avec nos procédés ordinaires nous en aurions promptement raison. Les portes seraient forcées, et on mettrait la main sur les récalcitrans. Nos voisins ne connaissent pas. ces descentes sommaires ; le gouvernement s’est arrêté, il n’avait pour lui ni le droit ni la coutume. Ces écoles, se suffisant à elles-mêmes et ne recevant rien de l’état, agissent dans leur pleine indépendance ; elles ne sont assujetties ni au contrôle ni à l’inspection. Tout Anglais lésé ou non lésé peut leur faire un procès, si elles manquent à leurs obligations, et condamnées, elles se soumettent ; jusque-là leurs actes comme leurs locaux sont à l’abri des moyens de contrainte. Le gouvernement est moins armé contre elles que le plus humble des citoyens. Voilà pourtant des abus, dira-t-on, des abus notoires, et l’action publique, mise en demeure de les réprimer, en est réduite à une déclaration d’impuissance. Est-ce tolérable ? On ne les tolère en Angleterre que dans la crainte de tomber dans des abus plus grands. La responsabilité individuelle ou collective, l’inviolabilité du domicile, sont des garanties entrées si avant dans les mœurs qu’aucun esprit sensé ne se laisse troubler par les inconvéniens qui s’y attachent ; c’est une place fermée dont on garde avec soin jusqu’aux abords. Que ferions-nous en France en pareil cas ? Une chose qui nous paraîtrait la plus simple du monde et en même temps la plus concluante : nous livrerions à l’état les pouvoirs que les comités exercent de manière à blesser le sentiment public ; ceci fait, nous croirions avoir partie gagnée. Il y aurait pourtant, au bout de cette exécution, une injustice et un mécompte : une injustice, car pour frapper une école fautive il faudrait les condamner toutes et confondre les innocens avec les coupables ; un mécompte, car au lieu d’extirper l’abus on n’aurait fait que le déplacer. Le régime de la faveur n’est pas si