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étranger à l’état qu’il puisse répondre de ne pas verser dans la même ornière que les corps auxquels il se serait substitué. Les mêmes solliciteurs qui assiègent les comités d’écoles assiégeraient le ministre ou ses bureaux et en obtiendraient les mêmes complaisances. Tout ce qu’on y aurait gagné, ce serait d’élargir le cadre des postulations. C’est dans cette prévoyance que nos voisins constituent le moins possible l’état en redresseur de torts ; la dénonciation publique leur paraît une arme plus sûre. L’opinion est fixée à ce sujet ; elle se dit que si l’individu ou les corps sont faillibles, l’état n’est pas une école de perfection et qu’il a de plus le travers particulier de faire servir à sa politique les instrumens dont il dispose.

Telle est la série des établissemens qui datent des temps de la réforme et sont des legs du passé : les universités et leurs collèges, les écoles de grammaire et les écoles des corps de métiers. Ces établissemens ont cela de commun qu’ils vivent de leur propre fonds et peuvent ainsi mettre leur principe constitutif à l’abri et au-dessus des caprices du public. Ce principe, on l’a vu, est le maintien des fortes et anciennes études. Les attaques, les récriminations ne leur ont point été épargnées. On leur reprochait de trop accorder à la théologie au préjudice de la vraie piété, de s’asservir à des formes d’enseignement bonnes tout au plus pour le moyen âge ; ils n’ont répondu à ces reproches que par quelques concessions discrètement faites à l’esprit du temps. On est allé alors plus loin : on leur a suscité des concurrences. Ce mouvement est contemporain et ne s’est ouvertement prononcé que vers 1825, sous l’influence du parti whig. Le dessein était de reconstituer l’enseignement de la base au sommet, en l’allégeant de son vieux bagage et en l’appropriant mieux aux besoins des communautés modernes. Comme principe, on entendait se rattacher au mobile de l’utilité que Bentham avait essayé d’introduire dans les sciences morales et philosophiques, et rédiger des plans d’études où l’on donnerait la préférence aux matières dont l’enfant devenu homme pourrait tirer le plus de profit. Sans renoncer au commerce de l’antiquité, on le rejetait sur le second plan ; du principal il devenait l’accessoire. La durée des classes de latin et de grec était diminuée au profit des sciences exactes et des sciences d’observation, de l’histoire et de l’économie politique. C’était une éducation positive à instituer comme préparation aux réalités de la vie. Les promoteurs de ce mouvement portaient de grands noms, et à leur appel l’argent vint sans, peine. Les sommes versées permettaient d’adresser un défi aux puissances établies : on commença par les plus hautes ; l’université de Londres fut fondée.