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d’une idée ou d’un fait se démontre jusqu’à l’évidence. Or les examens locaux sont un bon instrument ; ils établissent entre les écoles un lien qui leur manquait, font naître une émulation qui les excite et les fortifie, associent les noms des élèves et des maîtres qui les ont formés dans un cadre d’honneur où il ne leur sera pas toujours indifférent de figurer. Il ne s’agit plus que d’y habituer les familles et de leur en donner le goût. Ce goût n’est pas venu ; il viendra dès qu’il sera constant que l’institution nouvelle rend quelques services.

Ainsi se comportent et s’administrent les écoles publiques qui pourvoient à l’enseignement des classes moyennes en Angleterre. Ces écoles, avec ou sans dotation, et sous quelque nom qu’on les désigne, représentent la portion la moins mobile, la plus régulière de cet enseignement. Leur orgueil est de remonter à la tradition, leur souci de la maintenir ; elles laissent à d’autres la part des aventures. Naguère elles n’admettaient pas sur leurs bancs d’élémens hétérodoxes : le relâchement qui peu à peu les gagne est une déviation récente ; celles qui y cèdent ne font qu’obéir à des nécessités de position, celles qui peuvent se suffire se renferment résolument dans leurs statuts. Cette obstination a fait la fortune des écoles privées, qui se multiplient à mesure que le préjugé religieux se détend. Parmi ces écoles privées, les unes appartiennent aux sectes dissidentes, les autres reçoivent indistinctement les élèves de toutes les communions. Il en est dans le nombre qui ont atteint de grandes proportions, elles diffèrent des écoles de l’église établie par leur régime comme par leur tolérance ; plusieurs ont une véritable originalité. Comme tout prend chez les Anglais une couleur politique, les mêmes partis qui sont dans l’état se retrouvent dans les écoles et y ont introduit leurs rivalités. Aux établissemens que fondent les whigs, les conservateurs répondent invariablement par des établissemens analogues : à Londres, on l’a vu, ils ont opposé un collège anglican à l’érection de l’université ; à Liverpool, ils ont établi un autre collège pour mettre en échec un institut florissant, soutenu par les whigs. Il en a été ainsi partout. Les radicaux de leur côté couvrent de leur protection et assistent de leurs deniers les écoles populaires. Au fond de ces combats d’influence, il y a un sentiment qui les épure : c’est le désir de n’être ni étranger ni indifférent à rien de ce qui se fait d’utile ou de salutaire dans le pays. Ici du moins, et l’exemple a du poids, personne ne se démet de ses devoirs, qu’ils soient corporatifs ou individuels : c’est la communauté entière qui agit, et plus les prérogatives s’élèvent, plus l’obligation devient étroite et le sacrifice étendu.


Louis REYBAUD.