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bêtes de somme et de labour a péri au service des combattans.qui se disputaient le territoire ; des campagnes cultivées ont été transformées en désert. Toutefois il y a peu de contrées dans le monde où les immeubles faciles à détruire offrent une proportion relativement moins considérable que les états du sud de l’Union. Ce sont, à l’exception de certains districts de la Virginie, du Tennessee et de la Géorgie, des régions purement agricoles, où l’on ne cultive que le cotonnier, le riz et le tabac. Les cases des esclaves et des petits blancs sont des constructions des plus grossières ; les maisons des grands planteurs sont rares, isolées et sans beauté architecturale, si ce n’est dans les cités, et çà et là sur les bords du Mississipi. On ne voit pas dans les contrées du sud ces innombrables granges et ces hangars qui frappent de tous côtés les regards du voyageur parcourant les états du nord. Les barrières, étant peu utiles, sont presque inconnues, excepté dans les régions du centre, où l’on s’occupe de l’élève des bestiaux. Les instrumens agricoles sont simples et peu nombreux, puisque jusqu’à nos jours le planteur comptait presque uniquement sur les bras de ses nègres. A l’exception de la presse à coton et de l’égreneur les propriétaires n’avaient pas besoin d’acheter de machines coûteuses, car les districts sucriers de la Louisiane forment une trop faible partie du territoire pour qu’il soit nécessaire de les faire entrer en ligne de compte[1]. Les valeurs imposables du sud consistent surtout en sol cultivable, et cette propriété reste entière. On peut même dire qu’elle a gagné en force productive par ces quatre années de jachère partielle. Grâce au travail libre et au flot grossissant de l’émigration, qui se dirige des états du nord et même de l’Europe vers les terres fertiles du sud, grâce aussi à l’excellence reconnue du coton, ce grand article d’exportation dont les États-Unis ont eu longtemps le monopole et dont sans aucun doute ils redeviendront bientôt les principaux producteurs, la prospérité matérielle du sud ne peut manquer de se développer bientôt avec une rapidité dont on n’a pas eu d’exemple dans l’histoire de ces contrées. Si les états méridionaux, entravés par l’esclavage, ont pu représenter un quart de la richesse de l’Union, ils représenteront certainement bien davantage avec le travail libre, et pourront contribuer en proportion de ce progrès aux charges de la dette. Une taxe frappée sur le coton, le tabac et autres denrées du sud, et atteignant principalement le consommateur étranger, pourrait facilement, dans un avenir prochain, donner un revenu annuel de 300 à 500 millions de francs.

Le besoin de coton est tel que de 1850 à 1860 les immenses progrès de la culture n’ont jamais été trop rapides. La Grande-Bretagne employait à elle seule une quantité de coton en laine augmentant de 20 millions de

  1. Si la guerre avait eu pour théâtre les états du nord, où une très grande partie de la richesse publique consiste en manufactures, en usines, en maisons de ferme et autres constructions faciles à détruire, les ravages eussent été incomparablement plus grands que dans les contrées agricoles du sud.