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états moyens, un Allemand de la grande Allemagne. C’est à lui et à son esprit de justice et de loyauté que l’empire s’en référera de la défense des intérêts impériaux et des principes nouveaux de liberté se développant sous toutes les formes.

Un mot du nouveau tavernicus. Le baron Paul Sennyeï arrive aux affaires sans autres antécédens que sa réputation d’être par excellence l’homme du système de la conciliation. Esprit très ferme et très convaincu, mais d’une grande rectitude et d’une douceur de formes d’ailleurs indispensable à la tâche difficile qu’il assume, la pratique des partis, l’expérience des événemens, lui ont appris l’art des transactions. On peut prévoir qu’il se prêtera volontiers à toute espèce de compromis non dommageable au but définitif qu’il importe maintenant d’atteindre. Le baron Sennyeï fut, parmi les conservateurs de son pays, le premier à se ranger à l’opinion du comte Apponyi lorsque celui-ci déclara hautement qu’il n’y avait désormais pour la solution du différend hongrois rien de possible en dehors d’une entente complète avec Déak et son parti. Depuis, on l’a toujours vu s’affirmer dans le sens des idées libérales. Par l’entrée au ministère du baron Paul Sennyeï, le cabinet hongrois se trouve donc entièrement constitué, car, ne nous y trompons pas, c’est d’un cabinet hongrois, et non mixte, qu’il s’agit à cette heure. Le personnage éminent qui préside la chancellerie demeure aujourd’hui seul responsable de l’avenir. « Si nous avions à caractériser les trois hommes appelés à gouverner les destinées du pays, lisait-on hier dans un journal de Vienne[1], nous verrions dans le comte Esterhazy le représentant de la raison sage, froide, circonspecte, tandis que le baron Sennyeï jouerait à nos yeux le rôle du cœur chaud et généreux, et M. de Maïlath celui de la volonté, du criticisme chargé de dégager l’acte direct de ces diverses combinaisons de l’entendement et du sentiment. »

Il me reste à parler du rôle que joue également la couronne dans tout ceci et du rôle que joue l’empereur, deux choses bien distinctes, car ce que représente l’empereur de sa personne aujourd’hui, la couronne le représentera probablement dans la constitution de l’Autriche longtemps après que l’empereur actuel ne sera plus. La couronne est encore une force constitutive très grande en certains cas, et même prépondérante dans l’état présent de la monarchie autrichienne. Il serait inutile de discuter sur ce point, de prétendre que cela doit être autrement, ou de citer l’Angleterre, comme toujours : le fait est tel que je le dis, et plus certain que jamais ; même aux pires époques de mécontentement et de plaintes, on ne l’entendit contester par aucune des diverses populations de l’empire.

  1. Le Debatte, 19 juillet.