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même afin que le ciel vous aide ne rencontre que de rares disciples. En matière de devoir en Autriche, on évite l’excès, et c’est grand dommage. Cela toutefois reste affaire de temps. Qu’il se trouve quelque jour à Vienne un ministre qui réponde aux besoins de l’époque, qui montre ce que c’est que de se sacrifier tout entier à son œuvre, de ne reculer devant aucune responsabilité, quelle qu’elle soit, de braver même la mort, si à mi-chemin elle arrête qui fait plus que son devoir, donnez à l’Autriche un tel homme, et, soyez-en sûr, le pays le suivra, l’empereur ne lui fera pas obstacle.

L’Angleterre donne un autre exemple à l’Autriche. C’est le pays le plus lourdement imposé de l’Europe, et relativement celui où la taxation pèse le moins, attendu que les moyens de supporter cette taxation sont plus grands que partout ailleurs. Voilà une leçon que l’Autriche ne saurait trop méditer. Il s’agit pour elle d’augmenter les sources naturelles de l’impôt afin que le pays puisse facilement supporter les charges nécessaires. Le jour où se réalisera un tel programme, on croira rêver en pensant à l’administration qui pendant ces quatre dernières années a régi les finances, et ce passé de tâtonnemens, de cachotteries et d’effacemens, dont il n’est pas juste pourtant d’accuser toujours M. de Plener[1], n’apparaîtra plus que comme un nuage imperceptible sur l’horizon éclairci. L’Autriche a son sort dans ses mains à cette heure ; il lui faut beaucoup de sagesse, beaucoup de modération, de la générosité toujours et une juste appréciation d’elle-même. Qu’elle se dise qu’elle doit mériter la considération de l’Europe, mais qu’elle ne l’aura qu’en la méritant. Elle ne peut faire un seul pas vers le passé, mais elle peut tout attendre de l’avenir, car, ainsi que le disait le grand Frédéric, moins suspect que personne en pareille matière, « le pays d’Autriche est un bel et bon pays. »


BLAZE DE BURY.

  1. On peut dire en effet que le département des finances a souffert surtout jusqu’à ces derniers temps d’une incapacité collective. Il importe à ce propos de savoir à quoi s’en tenir sur le prétendu « guignon financier » de l’empire. Au mois de janvier 1863, un emprunt de 15 à 20 millions de livres sterling, devant servir à rembourser la banque nationale et à faire reprendre à l’Autriche ses paiemens en espèces, fut proposé à Vienne par deux des plus grandes maisons de la Cité de Londres. Acceptée aussitôt avec ardeur par les ministres politiques, cette offre, tombée du ciel, on peut le dire, vint échouer contre la force d’inertie invétérée du département des finances. On ne refusa point, on éluda, on échappa par des atermoiemens à la fortune, pour en arriver au rapport d’il y a deux mois, que M. de Plener lui-même a qualifié d’écrasant, et qu’on eût si bien pu s’épargner.