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commissaires impériaux sur tous les détails de la convention projetée. On espérait ainsi échapper aux surprises et aux méprises des précédentes négociations. MM. Parkes et Wade eurent, le 14 septembre, un entretien de près de huit heures avec le prince Tsaï et son collègue Mouh. Ce dernier annonça qu’il était un peu sourd (cette infirmité est décidément à la mode chez les diplomates du Céleste Empire) ; puis il fit semblant de ne pas bien comprendre le chinois de ses interlocuteurs, qui étaient des lettrés éprouvés et de premier ordre. On n’en remarqua pas moins, dès le début de la discussion, qu’il était parfaitement maître de son sujet et qu’il connaissait toutes les correspondances échangées entre les ambassadeurs et les délégués du cabinet de Pékin. Quant au prince Tsaï, il affecta de n’être point au courant des conventions qui avaient été préparées à Tien-tsin, et pourtant, dans deux lettres successives, il avait déclaré qu’il acquiesçait sans aucune réserve aux conditions des alliés. Il se mit donc à reprendre une à une les principales questions que l’on croyait définitivement résolues, notamment la résidence d’un ministre anglais à Pékin, l’ouverture de Tien-tsin au commerce étranger, les délais pour le paiement de l’indemnité de guerre, le campement de l’armée, qui s’était avancée trop près de Tong-chaou, la composition de l’escorte qui devait accompagner les ambassadeurs à Pékin. A la fin cependant il parut céder, et il remit à MM. Parkes et Wade une lettre qui contenait une adhésion pleine et entière aux demandes de lord Elgin, et qui fixait d’un commun accord le point précis où les troupes alliées pourraient camper, à six kilomètres environ de Tong-chaou, tandis que l’on procéderait dans cette ville à la signature du traité.

Le résultat de cette entrevue paraissait satisfaisant ; mais il était difficile de ne point conserver encore une certaine inquiétude en songeant que l’on avait dû discuter de nouveau et à fond pendant huit longues heures. En outre l’on avait observé durant les deux derniers jours un changement sensible dans l’attitude des populations que traversaient les troupes anglo-françaises. Les habitans fuyaient de leurs villages ; les marchés n’étaient plus approvisionnés ; les mandarins, que l’on avait vus jusque-là si empressés et si soumis, ne se montraient plus. Ces symptômes n’avaient point échappé à l’attention des alliés ; mais après tout on ne recevait aucun avis qui annonçât le voisinage de l’armée tartare. MM. Parkes et Wade, lors de leur voyage à Tong-chaou. n’avaient point remarqué de préparatifs hostiles, et puisque l’on avait recommencé à négocier, il fallait bien continuer l’œuvre de paix tant qu’elle ne serait pas encore une fois détruite par un acte direct et positif de mauvaise foi. En conséquence, le 17 septembre, les ambassadeurs envoyèrent à Tong-chaou leurs secrétaires, MM. Loch et de Bastard,