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avec les forces dont ils disposent, et dans cette saison de l’année, comme aussi avec la prudence qu’exige la position de plusieurs officiers, civils ou militaires alliés qui se trouvent malheureusement retenus par les troupes tartares ou les autorités chinoises, et sur le sort desquels nous avons, lord Elgin et moi, les plus vives inquiétudes. Si Takou, Tien-tsin, Tong-chaou et Pékin étaient occupés par les troupes alliées, il n’y aurait, ce me semble, d’autre alternative pour le gouvernement chinois que de céder ou de se perdre par une fuite en Tartarie. Cette dernière éventualité, que nous avons tout fait pour prévenir, ne peut plus être que d’un faible poids dans la balance du moment où nous devons punir les Chinois de l’abominable conduite dont nous avons à nous plaindre, et qui explique tant de choses. Il faut leur prouver enfin qu’on ne se joue pas impunément de deux nations comme la France et l’Angleterre. »


Le général Montauban n’hésita pas. Il savait que San-ko-lin-sin avait rallié les débris de son armée entre Tong-chaou et Pékin, qu’il les avait réunis à une seconde armée de réserve, et qu’il occupait avec 40,000 hommes une position désignée sous le nom de Pa-li-kiao. Il venait de recevoir un léger renfort qui portait à 2,800 hommes l’effectif de sa colonne. Avec les 3,000 Anglais de sir Hope Grant, l’armée alliée ne comptait pas 6,000 combattans. Malgré cette énorme disproportion de forces, le général Montauban proposa d’attaquer immédiatement l’armée tartare. La bataille, à laquelle San-ko-lin-sin s’était préparé par des dispositions assez habiles, fut engagée dans la matinée du 21 septembre : à midi, elle était terminée. Cette fois les Tartares s’étaient comportés plus bravement qu’à Tchang-kia-wan ; à diverses reprises, leur cavalerie chargea droit sur les bataillons européens, réussit à les envelopper et à les placer dans une situation qui eût pu devenir très critique, si, à défaut du nombre, les alliés n’avaient eu pour eux la supériorité du commandement, l’excellence des armes, la discipline et le sang-froid héroïque qu’ils opposaient à ces hordes se ruant à toute bride sur eux. Nous ne saurions décrire ici cette bataille, dont la relation, publiée par le ministère de la guerre, permet de suivre les intéressantes péripéties ; qu’il nous suffise de constater et d’admirer l’audace vraiment extraordinaire avec laquelle fut conçue et exécutée l’attaque du 21 septembre. L’armée victorieuse s’établit sous les tentes que les Tartares venaient d’abandonner. Elle était campée à 18 kilomètres de Pékin.


III

Arrivés à ce point de notre récit, nous devons, nous aussi, faire une courte halte pour étudier et découvrir, si cela est possible, la pensée qui inspirait les actes du gouvernement chinois. Que signi-