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chez nous, les Anglais, si jaloux de leur liberté individuelle, si impatiens de toute contrainte, si ennemis de toute imitation étrangère, ont songé à établir quelque chose de semblable. Qu’on prenne le rapport fait au parlement par M. Lindsay au nom de la commission de la marine marchande en août 1860, et on y lira ce qui suit : « Votre commission appelle spécialement l’attention de la chambre sur la question de savoir si une mesure ne pourrait pas être conçue et formulée par la sagesse du parlement à l’effet de placer les marins et la population maritime du royaume-uni tout entière sous un système de règlement assurant l’enregistrement et une période limitée de service. Votre commission pense que les résultats d’une semblable mesure, qui ne pourrait être adoptée avec succès que par l’accord des plus hautes capacités administratives et par le concours patriotique de tous les partis, serait de placer les relations entre armateurs et marins sur un pied juste et satisfaisant, d’établir une réserve navale sur des principes larges, libéraux et nationaux, d’assurer ainsi une plus grande harmonie entre la marine marchande et la marine royale, et par suite de garantir à la nation les services immédiats et empressés de tous ses enfans en temps de guerre. »

Ou nous nous trompons, ou l’habile rapporteur de la chambre des communes réclamait là l’établissement d’un régime fort semblable au nôtre. Cependant cette législation, si enviée au dehors, est aujourd’hui vivement attaquée chez nous. Nos unificateurs lui reprochent d’être une loi d’exception, comme s’il n’en existait pas d’autres et de moins salutaires en France. Les armateurs ensuite réclament avec force et avec une certaine apparence de droit contre les charges que l’inscription fait peser sur eux, et qu’ils prétendent être injustes depuis qu’on les a privés des avantages commerciaux qui en étaient la compensation.

Le grand argument des unificateurs est que l’inscription enchaîne bon gré mal gré à la carrière navale ceux qu’elle atteint ; Le fait est incontestable ; mais n’en est-il pas de même pour la conscription par laquelle l’armée se recrute ? Service à l’armée, service sur la flotte, sont des impôts que la population paie en nature ; seulement le chiffre des inscrits aptes à servir sur la flotte n’est que de cent mille hommes, tandis que l’armée se recrute sur la population tout entière de la France, et si l’on voulait recruter parmi ces cent mille inscrits le personnel de la flotte en suivant les mêmes règles que pour l’armée, le contingent se trouverait insuffisant. Il est donc nécessaire, pour avoir une force navale, de pratiquer un autre système ; et celui qui a été appliqué jusqu’ici a été d’une heureuse efficacité. Sans doute la charge qui pèse sur la population maritime est lourde, mais elle ne l’est pas plus à bien des égards que celle