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dans ses lettres à Mme de La March et à Mme de Boufflers envoyées par la poste ordinaire, dît des choses flatteuses de la reine et du roi de France, cela naturellement, sans avoir l’air de vouloir qu’elles fussent montrées. Ces dames les feront toujours voir à la reine, et le roi, qui a le secret de toutes les lettres écrites par la poste, en sera flatté[1]. »

Le crédit de Marie-Antoinette n’alla pas, il est vrai, jusqu’à faire remonter Choiseul au pouvoir après l’avoir tiré de son exil ; mais le mouvement dont elle avait ainsi donné le signal, et qui était conforme aux tendances de l’opinion, devait du moins amener une autre satisfaction fort désirée, le rétablissement des anciens parlemens, brisés en janvier 1771. L’antique institution, un peu modifiée, revit le jour dans le fameux lit de justice du 2 novembre 1774.


« le roi, dit Creutz, a prononcé son discours d’une voix énergique et haute, appuyant sur les finales et donnant de l’expression à chaque phrase. La fermeté de ce discours a imposé à tout le monde, et la force avec laquelle il a appuyé sur l’endroit où il menaçait le parlement de toute sa disgrâce en cas de désobéissance a produit le plus grand effet. Il a composé lui-même cette harangue, disant qu’il voulait suivre l’exemple de votre majesté… Quand l’avocat-général, prenant à son tour la parole, a prononcé, le nom d’états-généraux, le roi a levé la tête et lancé sur lui un regard foudroyant… Si votre majesté, dans une apostille ostensible, daignait applaudir à tout ceci et dire quelque chose de flatteur pour M. le comte de Maurepas et pour le roi de France, cela produirait le meilleur effet. J’ose même dire que cela devient d’autant plus nécessaire qu’on sait que votre majesté à désapprouvé l’idée de faire revenir le parlement ; les dangers qu’elle redoutait se trouvant éloignés par l’organisation nouvelle, elle peut, sans se contredire, relever par son suffrage une opération qui, en rétablissant la confiance et la tranquillité dans le royaume, met le roi de France en état de se faire respecter au dehors et de seconder plus efficacement ses alliés. »


La correspondance de Creutz atteste ainsi à chaque pas que le roi de Suède, non content de suivre avec une attention vigilante les diverses réformes qui signalaient le commencement du règne de Louis XVI, y intervenait même, et indiscrètement sans doute. Gustave ne se bornait pas à donner des conseils ! lorsque des émeutes avaient éclaté dans Paris d l’Ile-de-France à la suite des premières mesures de Turgot proclamant la liberté des grains, il avait envoyé au comte d’Usson, notre ambassadeur à Stockholm, un billet écrit à

  1. Creutz savait fort bien, en certaines occasions, soustraire les messages des dames de la cour à l’indiscrétion des postes : « J’ai là, écrit-il le 10 mars 1777, des lettres de Mme de La Marck, de Brionne et de Boufflers. M. de Klingspor coudra ce paquet dans la doublure de son habit. »