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Pittsburg, vingt autres villes, imitent l’exemple de Philadelphie. A l’heure même où les impôts sont triplés, les aumônes pleuvent plus que jamais : l’agriculteur envoie son blé, l’artisan le produit de son travail, le financier ses bénéfices, chaque famille son superflu. On ne croit pas avoir payé sa dette à la patrie en satisfaisant aux obligations communes et aux vertus passives du citoyen. Je vous livre le fait sans commentaire ; à vous d’en tirer la leçon.

Rien de curieux au musée, si ce n’est des nègres, vêtus en gentlemen, qui semblent s’y promener sans scandale. J’avais déjà remarqué avec étonnement quelques négresses assises au comptoir parmi les ladies de la ville. On dit, qu’à Philadelphie la tradition morale des quakers a toujours adouci les préjugés de couleur. Depuis le temps de William Penn, la cité de l’amour fraternel a pourtant bien dégénéré. Je m’en suis aperçu à un concert d’amateurs donné au profit de l’œuvre par quelques dames de la ville. Il y avait là des toilettes de quakeresses qui n’étaient pas d’une simplicité primitive. Ces dames parlent français, elles ont été à Paris chercher la mode. Elles sont trop de leur temps pour être de leur pays.

L’hôtel d’où je vous écris est neuf et à la dernière mode. C’est toute une ville, tout un labyrinthe. Une foule mouvante encombre son grand vestibule de marbre blanc. Le service est fait par la vapeur, l’électricité et une armée de domestiques noirs. La table est toujours mise pour deux cents personnes. Pas de comptes détaillés qui embarrassent les livres : on paie tant par jour, tout compris. Cela ressemble un peu à un palais et beaucoup à une caserne.

…. Je m’arrête à la vitrine d’un libraire, dans Chestnut-street, j’y vois l’annonce d’un écrit en vogue intitulé Miscegenation (théorie de la régénération de l’humanité par le mélange universel des races). L’auteur pose en principe que la race blanche est dégénérée, et la noire supérieure, parce qu’elle a dans le sang les ardeurs du tropique, il ajoute que le type idéal de l’humanité ne s’obtiendra que par l’amalgamation des races, que le plus haut degré d’intelligence et de civilisation appartient aux races mêlées. Qu’on ne parle pas de l’infériorité intellectuelle des noirs : toutes nos religions viennent de leur race ; l’homme blanc, matérialiste et borné, a reçu d’elle toutes ses notions de l’idéal. Sans le funeste préjugé qui les sépare, les deux races, comme c’est le vœu de la nature, tendraient à se réunir. Le nègre a du goût pour la blonde, la blonde n’est pas insensible aux charmes du nègre. La sympathie des races du nord pour le nègre n’est qu’une forme épurée de cette attraction des contraires. A quoi tient la supériorité des hommes du sud ? A l’éducation, aux lumières ? Non pas, mais à