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de pauvres gens qui allaient faire visite aux habitans de l’asile, de la prison ou de l’hôpital.

Chemin faisant, notre hôte nous expliquait le mécanisme de l’institution. La commission dont il fait partie, et qui dirige à la fois tous les établissemens charitables et pénitenciers de la ville, se compose de quatre membres aux appointemens de 3,000 dollars. Autrefois elle sortait, directement du vote populaire : nommés par le suffrage universel, les commissaires se trouvaient quasi indépendans du maire et des autres pouvoirs municipaux. L’élection leur confiait un pouvoir isolé, dont personne ne surveillait l’usage. Sans comptes à rendre, maîtres de tout faire, nommant, destituant leurs subalternes, ils usaient largement des commodités de l’arbitraire, puis, leur terme expiré, devenaient les esclaves de la popularité. Cette administration n’avait ni le contrôle qui corrige, ni la durée qui fortifie. Aujourd’hui les commissaires ont encore la haute main sur l’institution, mais le corps municipal les nomme et les surveille. Cette réforme laisse l’autorité où elle doit être, en l’assujettissant, à une responsabilité sévère. L’expérience est décisive : que ne l’applique-t-on à toute l’administration municipale ? Pour la réformer, il suffit d’un peu plus de cette hiérarchie qui lui manque, d’un peu moins de cette simplicité de mécanisme qui semble plaire si fort aux démocraties. Qu’une fois une direction suprême se substitue à l’exercice anarchique de plusieurs pouvoirs isolés et parallèles, que le peuple se contente d’être le maître sans choisir directement tous ceux qui le servent, et ce n’est certes pas la liberté qui en souffrira.

La ville ou le comté de New-York, — car le comté et la municipalité s’y confondent, — a rassemblé toutes ses entreprises charitables sous la direction de ce comité. Dans un grand état, les mêmes hommes ne pourraient mener de front les détails et l’ensemble ; c’est l’avantage des petites sociétés qu’elles n’éloignent pas la tête qui dirige du bras qui exécute. M. Bell visite deux fois par semaine tous les établissemens commis à sa garde. Le principal, celui qui fait l’orgueil de ses directeurs et de la ville, est situé sur la rivière de l’est, en face de Long-Island, sur deux îles riantes incessamment égayées par le mouvement des navires. Nous débarquons à l’île Randall en face d’une petite armée de cent cinquante garçons que nous passons en revue avec tous les honneurs militaires. Propres, gais, bien portans, on ne les caserne pas dans une cour étouffée, on ne les accable pas de travail et de fatigue. Ils ont l’île entière pour s’ébattre. Ils vivent par troupes choisies dans de jolis cottages aux larges fenêtres, aux planchers blancs et polis, entourés, de galeries couvertes. Les plus grands s’occupent de travaux agricoles ; les plus petits restent dans la nursery, et jouent sous la surveil-