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dispose aujourd’hui seraient insuffisantes pour en opérer le dédoublement.

Cette question est encore à l’étude. La théorie peut déjà mettre sur la voie d’une solution satisfaisante par la comparaison exacte des équivalens des corps simples ; mais ces équivalens, sommes-nous sûrs d’en avoir l’expression rigoureuse[1] ? M. Dumas, qui a soulevé le problème, s’occupe depuis plusieurs années d’une révision générale des équivalens qui donnera sur ce point satisfaction aux scrupules de la science ; mais il restera encore à savoir si ces équivalens peuvent se classer selon un petit nombre de séries, comme des termes liés entre eux par d’incontestables relations numériques. Tels qu’on les connaît, bon nombre des équivalens des corps simples ne sont pas dans ce rapport régulier. La loi formulée par le chimiste anglais Prout, et d’après laquelle, l’équivalent de l’hydrogène étant pris pour unité, ceux des corps simples, les plus connus s’expriment généralement par des nombres entiers d’ordinaire peu élevés, cette loi est sujette à bien des exceptions. Quand les questions spéciales et circonscrites dans lesquelles le problème se décompose se trouveront résolues, on sera en mesure de prononcer ; on verra si, comme M. Dumas est enclin à le supposer avec beaucoup d’autres chimistes, les chiffres exprimant les équivalens des corps simples peuvent être engendrés suivant des lois semblables ai celles qu’une étude attentive fait découvrir dans la génération des équivalens des élémens composés ou radicaux de la chimie organique. Disons-le tout de suite, cette unité de la matière séduit singulièrement l’esprit, et les nombreux corps composés qui, dans les matières provenant des animaux ou des végétaux, ont les allures, les propriétés générales, la physionomie des corps simples, donnent une extrême probabilité à l’hypothèse, que les corps simples ne sont eux-mêmes que des corps composés d’élémens identiques, mais inégalement groupés ou associés. Le phénomène du dimorphisme, qui nous montre des densités, des coefficiens de dilution, des propriétés optiques et certaines propriétés, chimiques déférentes dans un même corps suivant qu’il affecte une forme cristalline ou une autre, peut être encore cité à l’appui de l’hypothèse ici indiquée. La valeur de cette hypothèse (ressort avec non moins d’évidence du fait de l’isomérie, observé dans les deux règnes. Jadis on admettait comme un axiome que l’identité de composition impliquait l’identité des propriétés. Depuis qu’on a constaté.que des corps de

  1. Les quantités pondérables de chaque corps simple respectif qui se combinent avec une même quantité d’oxygène pour former des composés du même ordre, et qui peuvent se déplacer et se remplacer mutuellement, sont dits des équivalens. On rapporte les poids équivalens de tous les corps soit à celui de l’hydrogène pris pour unité, soit à celui de l’oxygène supposé égal à 100.