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même composition possèdent des propriétés différentes, les idées qu’on se faisait sur la matière se sont singulièrement modifiées. C’est alors que Berzélius imagina sa distinction des corps, isomères possédant la même composition et le même équivalent, des corps polymères ayant la même composition, mais dont les équivalens sont multiples les uns des autres, et des corps métamères doués de la même, composition, du même équivalent, mais susceptibles d’être formés par l’union de composés binaires tout différens.

Les cas, d’isomérie sont fort nombreux dans la nature, et attestent que les molécules semblables ne se groupent pas toujours suivant la même loi. Ces groupement s’opèrent sous des influences diverses, par l’effet d’agens qui sont les grands moteurs de la matière, de l’électricité notamment. Ainsi l’oxygène à travers lequel on a fait passer des étincelles, électriques, quoiqu’il garde ses propriétés principales, n’a plus tous les caractères de l’oxygène, s’il est apte à contracter des combinaisons ou à produire des décompositions que ce gaz ne saurait opérer sous sa forme ordinaire ; il devient ce que l’on appelle de l’ozone.

Cette unité, vers laquelle tend la chimie, peut-elle nous faire supposer que des lois, complètement identiques régissent le monde animé et le monde brut ? Devons-nous nous flatter de pouvoir un jour non-seulement refaire artificiellement toutes les manières organiques, mais reproduire à volonté les conditions, dans desquelles naîtra la végétation ou la vie ? Je ne le pense pas. La physiologie et la chimie sont deux domaines bien autrement, distincts, que ne l’étaient, il y a un siècle, la chimie organique et la chimie minérale. Nulle part la plante même la plus élémentaire, l’animal le plus bas placé dans l’échelle zoologique, ne sont nés du concours d’affinités chimiques, de la combinaison des simples matières organiques ou inorganiques. Longtemps, il est vrai, on a cru aux générations spontanées ; mais cette idée a perdu, chaque jour du terrain malgré la ténacité de ceux qui la défendent, et grâce aux beaux travaux d’un chimiste français, M. Pasteur, elle vient d’être définitivement ruinée. Ces germes que l’on supposait prendre naissance tout à coup, comme certains composés chimiques, ont trouvé leurs ancêtres, M. Pasteur nous a révélé l’existence dans l’atmosphère d’une multitude de corpuscules organisés qui sèment partout la vie en même temps qu’ils portent partout la destruction. Nulle part on n’a pu découvrir de germes là où ces animaux microscopiques n’existaient pas déjà ; aucune réaction, aucune solution n’a pu présenter de ces animaux où l’air, à défaut d’un autre véhicule, ne les y eût pas déjà portés, et ces animaux infusoires interviennent eux-mêmes comme de grands agens chimiques ; ils aidaient à leur insu les sa vans et les industriels dans quelques-unes des méta-