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être ravivée et rajeunie. Chacun sait d’où lui vient cette bonne fortune, simple et rapide effet d’un premier mouvement d’une grâce et d’une bonté d’autant plus souveraines qu’il s’agissait de la population si intéressante des jeunes enfans détenus. Rien de mieux assurément, rien de plus heureux ; il nous sera cependant bien permis de dire que c’est surtout aux amis de la réforme pénitentiaire qu’il appartient de s’en réjouir. Ils savent en effet, et de vieille date, qu’autant ils ont à redouter l’indifférence et l’oubli, autant ils sont autorisés à beaucoup attendre de l’examen et de la discussion. C’est là qu’est en définitive leur force véritable. N’est-ce pas ainsi que, quand il s’est agi démontrer tout d’abord le vice incurable et l’insuffisance avérée des modes actuels de répression, la discussion a fini par exercer un tel empire qu’après de trop longues incertitudes on peut affirmer que l’unanimité s’est faite ? N’oublions pas cependant, pour être juste, que nul autre sur ce point n’a mené la démonstration aussi vaillamment que M. le conseiller Bonneville, particulièrement dans son dernier ouvrage sur l’amélioration de la loi criminelle[1]. Toutefois, lorsque ce premier point vidé, on dut songer à déterminer quel était entre les divers systèmes celui qui pouvait le plus efficacement agir au point de vue de l’intimidation préventive et de l’amendement moral des détenus, les avis furent longtemps partagés. Dès lors, comme il arrive à peu près toujours en pareil cas, on en vint à essayer de nombreuses combinaisons mixtes ou intermédiaires, participant à la fois de la détention en commun et de l’isolement. Ces tentatives, il faut le dire, ne furent pas heureuses : aussi, après cette première phase de doute et d’hésitation, très laborieusement traversée, fut-on conduit, irrésistiblement en quelque sorte, à chercher dans la détention cellulaire un refuge contre des tâtonnemens sans résultat et des expériences en sommé fort malencontreuses.

C’était donc un pas en avant ; on en retrouve partout la trace, mais on ne la rencontre nulle part aussi profonde et aussi vive que dans les délibérations de la grande assemblée de 1857 qui s’appela depuis le « congrès de Francfort. » On y vit accourir de tous les pays civilisés, et en très

  1. En parlant de cet ouvrage dans la Revue du 1er juin, je signalais l’abolition des circonstances atténuantes facultatives comme l’un des moyens les plus expédiens de réforme proposés par l’auteur ; il est vrai cependant que mon affirmation sur ce point a pu d’abord paraître trop absolue. M. Bonneville croit utile (je reproduis son observation), non d’abolir le droit conféré aux juges et aux jurés par l’article 463 du code pénal, mais de le soumettre à une simple réglementation. Rien de plus vrai. C’est ainsi d’ailleurs que je l’entendais moi-même lorsque j’ajoutais, quelques pages plus loin, que, lorsque M. Bonneville se rapprochait davantage de la difficulté, il en revenait à la simple réglementation des circonstances atténuantes, et que peut-être même n’en regarderait-il finalement l’abolition comme utile qu’envers les récidivistes. Il me semble que dans ces termes le malentendu aurait bien pu être sans grande conséquence pour tout lecteur un peu attentif. Quoi qu’il en soit, je me réjouis de l’occasion qui m’est donnée de reconnaître avec le plus sincère et le plus cordial empressement que, même pour le travail qui a suscité l’observation de M. le conseiller Bonneville, rien ne m’a été plus utile et plus profitable que son ouvrage.