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tilshommes pauvres de la petite cour béarnaise. Il prit donc le parti de se dégager de sa parole. Le comte en fut indigné, et Catherine, aussi constante que son frère était volage, resta fidèle au fiancé que son cœur avait choisi. C’est à lui que s’adressaient toutes ses pensées et tous ses vœux alors qu’elle contemplait avec mélancolie, sur la terrasse du château de Pau, les vallées de Gan et de Lestelle, les coteaux de Jurançon et de Gélos.

Un jour, le comte de Soissons arrive à Pau à l’improviste pendant que les troupes royales assiégeaient Rouen, il avait brusquement quitté l’armée. Avec douze cavaliers, il entre fièrement dans le vieux palais de Gaston de Foix ; mais Henri IV, qui est prévenu, a déjà écrit à M. de Ravignan : « J’ai reçu du déplaisir de la façon que le voyage de mon cousin le comte de Soissons s’est entrepris. Je ne vous en dirai autre chose, sinon qu’il ne se passe rien où vous consentiez ou assistiez contre ma volonté ; votre tête en répondra. » M. de Ravignan n’hésite point. Il fait cerner le château par les troupes. Les magistrats en robe rouge pénètrent auprès de Catherine, et le comte de Soissons est obligé de rendre son épée.

La princesse, profondément affligée de ces rigoureuses mesures, s’en plaignit amèrement à son frère. « Vous m’avez toujours aimée, lui écrivait-elle. Je n’ai assurance ni support que de vous ; pour Dieu ! mon roi, faites paraître à ce coup que vous m’êtes bon roi et bon frère. Quand je ne serais que la moindre demoiselle de votre royaume, vous ne me dénieriez pas la justice. Si, par l’importunité de cet outrage, je me vois abandonnée de vous, je ne veux plus vivre. Je vous en supplie très humblement, les mains jointes. Ce n’est pas sans pleurer, et plût à Dieu que ce fût en votre présence ! » Peu de temps après, Catherine quittait pour toujours la ville de Pau, où s’était écoulée sa jeunesse. « Je reviendrai pour vous, » disait-elle, en partant, aux vieilles paysannes béarnaises. Les paysannes répondaient : « Nous voyons bien votre départ, comme celui de votre mère, mais nous ne verrons pas votre retour. » Lorsque Henri IV fut sacré à Chartres en 1594, sa sœur, assise sous le même dais que lui, occupait la place que l’étiquette réservait à la reine de France. Cependant, malgré ses prières, malgré tous les services qu’elle lui avait rendus, elle ne put décider son frère à permettre le mariage qui était son plus ardent désir. Henri IV resta inflexible dans ses refus.

De nouvelles douleurs attendaient Catherine de Bourbon. Cette princesse dont tant de prétendans avaient recherché la main, et qui avait dû épouser le duc d’Alençon, Henri III, le vieux duc de Lorraine, Philippe II, le duc de Savoie, le roi d’Ecosse Jacques VI, le duc de Montpensier, cette princesse approchait de la quarantaine, sans conserver aucun espoir d’être unie au comte de Soissons. Henri IV, dont toute la politique consistait alors à effacer le souvenir des anciennes dissensions, prit la résolution de marier sa sœur au duc de Bar, héritier présomptif de Charles III, duc de Lorraine. C’était là une satisfaction donnée à la France catholique et aux anciens ligueurs. Catherine finit par consentir à cette union, mais elle ne